mardi 1 mars 2016

REGARDS CROISES (21) LAC, Jean Echenoz

Ed de Minuit, 1989 puis 2008, 190 pages, 6.10 euros

Regards croisés

Un livre, deux lectures. En collaboration avec Christine Bini 

 

J'aime les défis littéraires surtout quand ils me permettent de découvrir un auteur et un univers. Jean Echenoz ne m'était pas inconnu. Je me souviens d'avoir lu Cherokee et Je m'en vais il y a quelques années, sûrement aux alentours de 1999, date de son prix Goncourt. Seulement, je n'en gardais pas un souvenir impérissable, il était donc bienvenu que je renoue avec la prose de l'auteur.

Dès les premières pages, on sent le roman d'espionnage : un unijambiste qui se bat avec sa prothèse attend un coup de fil mystérieux et codé, et puis les événements - ou plutôt les non-événements - s'enchaînent, jusqu'à comprendre que le titre fait référence à un palace hôtel situé au bord d'un lac, et dans lequel se confrontent des espions.
J'ai vite compris que l'intrigue était secondaire : nous ne somme pas réellement dans un roman d'espionnage et les personnages restent superficiels. Peu d'émotions, peu d'histoire, peu de sentiments. Tout juste sait-on que le héros - mais peut-on employer ce terme - , Franck Chopin, n'a gardé de son rêve enfantin de devenir vétérinaire que la particularité d'être devenu un entomologiste, catégorie animale qui ne se soigne pas, et un espion à la botte d'un certain Colonel Seck. Pour espionner, Chopin pose des micros sur des mouches, technique somme toute peu sûre et non garantie de résultats exploitables.
Dans ses pérégrinations au bord du lac, Chopin va comprendre que la femme avec qui il entretient une liaison, Suzy Clair, est en lien avec ceux qu'ils surveillent car elle tente de retrouver son mari, Oswald, disparu depuis quelques années...

Jean Echenoz est un petit rigolo (au sens noble du terme) car son roman est avant tout un exercice de style qui manie avec habileté la distanciation et les annonces sur la suite de l'intrigue. Le lecteur érudit trouvera quantités d'éléments pour proposer une étude de l’œuvre, tant la prose, la thématique et le vocabulaire appellent à une autre façon d'appréhender le genre romanesque.
Pour moi, cette lecture m'a trop rappelé mes lectures obligatoires de khâgne, celles où on devait privilégier le fond sur la forme, celles où on vous obligeait à décortiquer la technique narrative pour en extraire la substantifique moëlle. Depuis, j'ai vieilli, et j'ai surtout besoin de légèreté dans mes lectures.
Sans vouloir m'attirer les foudres des amateurs du genre et/ou de l'auteur, Lac m'a profondément ennuyée, et même en voulant mettre de côté l'intrigue pour n'en garder que la structure, je ne me suis pas senti capable de plonger dans le gouffre.
Néanmoins, cette lecture fut pour moi salvatrice car elle m'a permis de bien me positionner sur mes attentes de lectrice, et me rendre compte que lire à la surface des choses me convenait parfaitement.