Nos 17 ans
Ron Carlson a décidé de faire vibrer la corde sensible de ses lecteurs. Pas de sombre histoire de trafic, de meurtre ou de vengeance, mais l'amitié indéfectible entre quatre quinquagénaires.
Les amateurs de romans américains feront tout de suite le rapprochement avec le merveilleux roman de Nickolas Butler Retour à Little Wing (Autrement, 2014), et ils auront raison. Sauf que l'auteur n'utilise pas les mêmes ficelles et préfère s'arrêter sur une période bien précise de l' histoire commune de ces quatre amis : l'année de leurs dix-sept ans.
Jimmy, Craig, Franck et Mason sont les meilleurs amis du monde, ils ont même fondé un groupe de rock qui tournaent dans les bals du coin. Ils ont dix-sept ans et la vie devant eux. Leur principal problème est de savoir ce qu'ils vont en faire. Seulement, cet été là, la mort accidentelle du frère de Jimmy, Matt, met un frein à leurs projets. Le départ précipité de Jimmy pour New-York fissure le groupe et chamboule toutes leurs belles idées. Chacun choisit sa voie sans se préoccuper des autres, et même s'ils se donnent des nouvelles de loin en loin, la distance et le temps ont raison de leurs serments de jeunesse.
"Je pensais qu'on serait un groupe pendant quelques années, ou un truc comme ça. Mais on va au réservoir, Matt se noie et tout le monde disparaît. C'était comme si le temps s'était brisé en deux, et alors on a eu la seconde moitié".
Trente ans ont passé. Ce jeunes gens sont adultes désormais. Ils ont eu leur lot de blessures et de regrets. Malgré le rejet de son père, Jimmy revient chez ses parents pour y vivre son dernier automne. Il est en phase terminale du sida et ne veut pas finir ses jours à l'hôpital. Craig a géré de main de maître sa carrière d'avocat à défaut de réussir son mariage. Sur le chemin, il y a perdu les valeurs qui étaient les siennes, il se déteste et revient à Oakpine retaper la maison de famille, histoire de prendre un nouveau départ. Franck et Mason n'ont jamais bougé de Oakpine. Franck est devenu un entrepreneur riche mais sans enfant, tandis que Mason trouve la sérénité sur les chantiers. Il a un fils de dix-sept ans, Larry, et une épouse qui joue au jeu du chat et de la souris avec son patron pour se sentir désirée. Tout ce petit monde va se retrouver, se souvenir, affronter le passé, et enfin panser les vieilles blessures de gosses.
La nostalgie est une pièce maîtresse du roman. Sans elle, le texte se diluerait et perdrait en consistance. Ron Carlson y a mis son cœur et ses émotions si bien que les femmes n'y jouent finalement qu'un rôle secondaire et non décisif. Elles sont là, toujours, mais ne participent pas vraiment à ce qui se joue entre les quatre amis. On est entre hommes du début à la fin...
Grâce au personnage de Larry et de son amie Wendy, la transmission des valeurs devient un thème majeur. Jimmy transmet son goût de l'écriture et de la fiction à la jeune fille, tandis que Larry puise au sein des amis de son père la maturité dont il a besoin pour prendre son indépendance après le lycée.
Retour à Oakpine se lit avec plaisir, même si la fin peut s'avérer un peu poussive et trainer en longueur. Ron Carlson n'a pas pris de véritables risques en écrivant cette belle histoire d'amitié. Il manque peut-être la petite étincelle de folie qui aurait ajouté du piment à l'ensemble.