Ed. Albin Michel, janvier 2016, 288 pages, 19.50 euros.
Emma et Axel sont jumeaux et ont décidé, ou plutôt Emma a décidé, qu'ils célèbreraient leurs mariages le même jour.
Emma épouse David et avec lui la religion juive. Pour les noces, elle a décidé de suivre des cours d'initiation au judaïsme. Axel épouse Philippine, issue d'une vieille famille aristocrate et catholique. D'ailleurs, il a été décidé que les deux unions se feraient au château familial.
La trame, les protagonistes, le décor sont plantés. Ne reste plus qu'à organiser ce moment et préparer au mieux chaque famille. Sauf que rien n'est simple, forcément.
Le roman est choral. Parents, futurs époux, chacun y va de son point de vue, mais surtout, leurs vies sont impactées par cet événement. Chaque chapitre est une page de calendrier, un décompte vers la date butoir.
Les jumeaux ne sont plus les pendants masculin et féminin d'une même entité, les Artémis et Apollon de la mythologie grecque comme ils aimaient s'imaginer durant leur adolescence. David d'un côté et Philippine de l'autre les éloignent l'un de l'autre. Mais cette séparation n'avait-elle pas été amorcée depuis plus longtemps déjà ?
Côté parents, l'annonce des unions bouleverse leur quotidien au point que, au fil de la lecture, leurs problèmes respectifs prennent le pas sur les préparatifs. Emma et Axel s'effacent au profit de leurs parents et futurs beaux-parents. En leur donnant la parole, Marianne Rubinstein leur permet d'exprimer leurs doutes, leurs regrets, leurs chagrins, et surtout, leur volonté farouche de vouloir aimer et profiter de la vie une dernière fois avant la vieillesse. Alors que Laure, la mère des jumeaux, se bat contre un cancer du sein, son époux Stéphane ne cesse de la tromper. "Le désir, voilà ce qui le fait se sentir vivant". Marie-Hélène et François, les parents de Philippine, n'arrivent pas à surmonter le chagrin de la perte de leur fils Alexis. François, qui ne supporte plus la tristesse, entame une liaison avec la mère de David, Lisa.
Lu comme cela, on a l'impression que le roman est un vaudeville narratif. Seulement, l'auteur a préféré écrire sur les mystères des liens familiaux et amoureux plutôt que sur le mariage en soi. Ce dernier est un prétexte au récit, et la gémellité un atout, car tout n'est pas fusionnel entre Emma et Axel.
Trois familles qui incarnent tout ce qu'on peut rencontrer en son sein : l'infidélité, la maladie, la perte, le deuil, la joie, l'amour, l'acceptation de la différence. Certes, on tire quelques grosses ficelles comme Hannah, la sœur de David, homosexuelle juive en couple avec une musulmane, mais cela ne gâche rien à un ensemble finalement parfaitement construit et dans l'air du temps.
Nous sommes deux favorise les ellipses narratives pour mieux se concentrer sur les émotions de ses personnages. C'est un roman à la fois social et psychologique, un avant Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel (Albin Michel, 2012), roman remarquable sur la vie après la séparation.
Le vaudeville ressenti jusqu'à la moitié du récit s'efface peu à peu pour laisser place à une narration apaisée avec des personnages en accord avec eux-mêmes. Emma et Axel ont choisi de se marier, bouleversant à la fois leurs vies, mais aussi celles des leurs.