mardi 8 septembre 2015

L'Oiseau du Bon Dieu, James McBride

Ed. Gallmeister, août 2015, traduit de l'anglais (USA) par François Happe, 448 pages, 24.8 euros.

Quand l'Histoire et la fiction se rejoignent...


"Je suis John Brown. Capitaine des Pottawatomie Rifles. Je viens avec la bénédiction du Seigneur pour libérer chaque homme de couleur sur ce territoire. Celui qui se dressera contre moi goûtera à ma mitraille et à ma poudre."

Alors que l'Histoire américaine retient de John Brown un abolitionniste convaincu, responsable en partie de la guerre civile, le romancier, lui, en fait un anti héros débonnaire, religieux fanatique incapable d'être objectif, défendant sa cause même si la situation est insoutenable.
Ainsi le lecteur traverse des épisodes notoires et avérés de la vie de John Brown mais racontés par un de ses soldats noirs, le petit Henry Shackleford, esclave récupéré après une rixe en Virginie, et devenu protégé de la famille Brown.
Sans savoir vraiment comment, Henry est devenu l'Echalote, mais surtout tout le monde croit qu'il est une fille, et s'il y a un doute, tout au moins une fille "manquée". C'est donc affublé d'une éternelle robe mal taillée que l'Echalote va être le témoin direct ou indirect, parfois même un acteur, des événements les plus marquants associés au capitaine des Pottawatomie Rifles.

"Au temps de l'esclavage, un Noir, c'était un chien misérable, mais un chien qui avait de la valeur."
Pour une obscure histoire de plume récupérée sur le corps d'un de ses fils, John Brown fait de l'Echalote son porte bonheur ambulant. Mais rallier du monde à sa cause n'est pas chose facile, et récupérer de l'argent encore moins. Ce beau parleur de capitaine est un homme ruiné, constamment à la recherche de fonds, mais surtout, son armée n'est composée que de membres de sa famille ou de volontaires bénévoles qui vont et qui viennent à leur guise! Alors, pour rallier toute la populace quoi de mieux que de leur marteler à longueur de journées des versets de la Bible?
" C'était un homme de la Bible. Un homme de Dieu. Complètement timbré. Incapable de la moindre concession quand la vérité était en jeu, et ça, ça pouvait faire perdre la boule à n'importe qui."

Sous un contexte historique sérieux, McBride en fait un roman drôle, enlevé, truffé de scènes cocasses, permettant ainsi de porter un regard nouveau aux événements. La fiction se mêle à l'Histoire et inversement, tout cela raconté par un enfant qui, à force, en tirera des leçons de vie indélébiles.
"Personne vous voit tel que vous êtes vraiment. Personne sait qui vous êtes à l'intérieur. Vous êtes jugé sur ce que vous êtes à l'extérieur, quel que soit votre valeur. Mulâtre, brun, noir, peu importe. Pour tout le monde, vous êtes un Noir, tout simplement."

L'oiseau du bon dieu est un roman rythmé, enlevé, construit intelligemment en se servant du contexte pour présenter des personnages de fond. Chaque lecteur y trouvera son compte car l'humour est fédérateur.