Duo improbable.
Le titre donne le ton; il sent l'oxymore, car par plage on pense soleil, chaleur, contrairement au Pôle Nord où s'imposent la neige et le froid. Ce titre justement résume à lui tout seul le contenu du roman. Deux individus, noyés dans leur solitude glaciale vont se rencontrer par l'entremise d'un appareil photo, et construire une amitié qui fera entrevoir la possibilité d'une fonte des glaces. Pas d'amour entre eux, non, mais une amitié insolite qui laisse perplexe leur entourage.
Pourquoi?
Simplement parce que Jean-Claude est trentenaire et Françoise est septuagénaire...
Depuis son divorce, Jean-Claude a du mal a faire le point sur sa vie; il ne voit pas assez sa fille, cherche un emploi, fait du sur place. "D'aussi loin qu'on se souvienne, [il] a toujours eu des goûts de vieux. Tout vient peut-être du prénom choisi par ses parents." Alors, lorsqu'il fait la connaissance de Françoise Vitelli, une veuve qui l'a contacté pour lui rendre un appareil photo perdu, cette rencontre ne le gène en rien. Leurs silences respectifs sont aussi agréables que des paroles. Finalement ce sont deux solitudes qui se sont rencontrées.
"Drôle de duo, hein? Le jour et la nuit. Le Pôle Nord et la plage de sable."
L'amitié s'installe. Le jeune homme rend service, fait de menus travaux dans la maison, et initie son amie à la manipulation du net en général et des sites de rencontre en particulier. Depuis la perte de son Alphonso, l'institutrice en retraite ne veut pas vivre seules les dernières années qui lui restent. Certes elle avait bien senti que son homme ne tournait plus rond, mais elle était loin de concevoir que sa fin se ferait dans un sursaut de panache aussi bête qu'inutile.
"Sa lassitude n'a pas d'épicentre. Elle est globale, générale. Une lassitude de dernier des Mohicans. Et cette sensation de vide est si violente qu'elle l'étourdit. A quoi ça sert, cette cavale perpétuelle?"
Et puis Françoise, doucement mais sûrement, redore l'image de Jean-Claude: il se sent mieux, positive, son estime de soi remonte, jadis bien ternie par son ex, Fanny.
Et autour de ces deux-là, une galerie de personnages secondaires assez loufoques: un couple de magiciens dépassés, un ami juriste qui tente de percer en tant que dessinateur BD, de vieilles connaissance de bar jouant aux malfrats...
Une plage au Pôle Nord doit être lu comme une tranche de vie. Le roman met à plat les dangers de la routine, ébauche une réflexion sur les valeurs de l'amitié, et n'hésite pas à prendre à témoin le lecteur sur le récit en cours. Le choix narratif, ponctué parfois de tableaux récapitulatifs, comme si la vie pouvait se résumer à une gestion de données, prône pour la distanciation des événements. Arnaud Dudek raconte "ce réchauffement climatique" entre deux êtres que tout sépare, mais il éloigne volontairement toute suggestion émotionnelle. Ainsi, on reste dans une écriture assez froide, quasi clinique, qui pourra repousser certains lecteurs.
Néanmoins, l'histoire de cette amitié transgénérationnelle ne laisse pas de glace.
A découvrir.