Une nuit pour tout changer.
Richmond Street se situe dans le quartier populaire de Fishtown à Philadelphie. Tout le monde se connaît, tout le monde, sous des airs bourrus, veille les uns sur les autres. C'est ainsi que, depuis la mort de sa mère, Madeleine bénéficie de l'attention discète mais persévérante des commerçants du quartier. Au moins, quelques uns font attention à cette gamine de neuf ans plus ou moins livrée à elle-même, car son père ne se comporte plus en père, incapable de gérer la perte de sa femme:
"Mark voudrait aimer sa fille, mais le fait d'être près d'elle ne fait que raviver le manque de sa femme. Madeleine n'est jamais que ce qu'il en reste."
Alors, pour briser le silence pesant de l'appartement, la gamine s'annonce tout haut dans chaque pièce, écoute du jazz, mais surtout s'entraîne au chant.
Madeleine a été bercée par les grands airs de jazz, et ses grands standards. La grande histoire du genre n'a pas de secret pour elle. Devant son miroir, elle étudie ses postures, sa diction, et se note.
"Quand elle chante, elle n'est jamais triste, même si la chanson l'est."
De toute façon, ce n'est pas à l'école qu'elle trouvera du soutien: la directrice, psycho rigide fait valoir son ancienne jalousie sur la mère de Madeleine à l'écolière, au point qu'elle a réussi à l'exclure le jour des vacances de Noël. Pas grave, On ne sait pas comment la petite héroïne puise sa force et son courage, mais ce "contretemps" ne l'empêchera pas de devenir chanteuse et de trouver un endroit pour se produire en public.
Profitant de la nuit de l'avant veille de Noël, elle décide de se rendre au club mythique de son quartier, le Cat's Pajamas, sans savoir que ce dernier est sur le point de fermer car son gérant, Lorca fils, n'est pas en règle avec la loi. De plus, comment justifier que son club sert aussi de sous location à ses musiciens? Alors, pour "fêter" cette dernière nuit de Jazz, Lorca va mettre le paquet...
Enfin, dans le même temps, Sarina, l'institutrice de Madeleine, vit aussi une nuit particulière. Après un dîner commun, elle erre dans les rues avec Ben, un ex-futur qui se trouve plus ou moins largué par sa froide épouse Annie. Eux aussi, vont aller se réchauffer au Cat's Pajamas...
2 heures du matin à Richmond Street est un roman léger, dont le rythme est tenu par les chapitres égrainant le temps. Sans eux, Marie-Hélène Bertino aurait peut être eu du mal à donner le souffle à un récit qui se veut être la description de plusieurs personnages dont le point commun est de se trouver à un carrefour de leur vie.
Dans ce premier roman, l'auteur utilise les ficelles de la nouvelle pour dresser le portrait de Madeleine, écorchée vive au grand cœur, Sarina, grande amoureuse esseulée, ou encore Lorca, tenancier de club et père maladroit du jeune Alex. Tous ses personnages vont sans le savoir se retrouver dans un seul et même endroit, le Cat's pajamas, comme si ce lieu symbolisait un tournant de leur existence.
"Nous portons nos ancêtres en nous dans ces prénoms qui sont les nôtres et parfois nous les portons jusqu'au seuil des urgences: d'une manière ou d'une autre ils pèsent sur nous, d'une manière ou d'une autre nous ne pouvons pas y échapper."
Ainsi, l'écrivain développe l'idée selon laquelle chacun porte en soi, dans ses gènes, son destin, et s'attache à le démontrer à travers son roman traduit par Edith Soonkindt, la traductrice littéraire du désormais célèbre Le Chardonneret (Prix Pulitzer). De ce fait, on sent bien qu'Edith Soonkindt tente de donner un rythme à un ensemble un peu trop linéaire. Il manque un grain de folie pour que cet ouvrage marque ses lecteurs.
A découvrir.