Ce n'est que le commencement...
"Sous le soleil du désert californien et grâce à l'argent des contribuables, quelqu'un venait de réinventer la réaction en chaîne. Une réaction en chaîne mortelle."
Il suffit d'une mauvaise manipulation, d'un instant de retard de réaction pour qu'il soit trop tard. Charles D. Campion a réussi à fuir avec femme et enfant, mais la super grippe les a tués tous les trois dans leur fuite, alors qu'il étaient arrivés dans la petite ville d' Arnette. Il était le premier cas certes, mais surtout une bombe à retardement qui, en mourant, a propagé une maladie bien plus grave que le virus Ebola...
Cliniquement, l'auteur décrit cette réaction en chaîne humaine, la propagation du virus, passant outre les frontières des états, les villes, touchant toutes les couches de la population. Un dicton dit que nous sommes tous égaux devant la mort...ce virus le prouve,mais, comme tous les maladies, il y a des cas particuliers. Ce sont les survivants, ceux qui, sans vraiment savoir pourquoi, ne sont pas tombés malades alors que tout leur entourage a péri. Certains sont devenus des cobayes, tel Stu Redman au centre épidémiologique d'Atlanta afin de trouver un remède au mal. D'autres errent dans les rues de New-York, Arnette, ou d'autres villes américaines, hantés par un rêve commun, une vieille noire qui, au fin fond du Comté de Polk au Nebraska, les appelle. Mère Abigaël, c'est son nom, dégage une sérénité telle que désormais ils savent que la rejoindre est leur unique objectif. De toute façon le monde connu n'est plus puisque plus de 99% de la population a disparu:
"Une mécanique parfaitement huilée. Des chambres à coucher, avec un corps ou deux dans chacune, puis des fosses dans les cimetières, ensuite des fosses communes, et finalement des cadavres qu'on balançait dans le Pacifique, dans l'Atlantique, dans les carrières, dans les fondations des immeubles en construction. Au bout d'un certain temps, naturellement, on allait finir par laisser les cadavres pourrir sur place."
De cette poignée de survivants auxquels Stephen King s'attarde, un sourd et muet sort du lot, Nick Andros. C'est le premier qui pense qu'il faut rejoindre Mère Abigaël. Bientôt accompagné par un débile léger doux et tranquille, Tom Cullen, trouvé seul dans une petite ville à l'abandon.
Ce duo au fil du temps, formera un groupe composé entre autre d'un chanteur rock, d'une jeune femme enceinte, Frannie, accompagnée de son ami au caractère étrange, Harold.
Tous font le constat de ce rêve commun, bientôt égratigné par un cauchemar récurrent qui les laisse pantelants au réveil. dans ce monde dévasté, un homme, ou plutôt une entité, incarnation du Mal se trouve à son aise. C'est Randall Flagg, l'homme en noir ou l'homme sans visage, personnage déjà bien présent dans la Tour Sombre:
"Il marchait d'un pas rapide et les talons de ses bottes éculées faisaient sonner l'asphalte. Si des phares apparaissaient à l'horizon, il s'évanouissait aussitôt dans les herbes, parmi les insectes et les papillons de nuit... La voiture passait. Peut être le conducteur sentait-il un léger frisson; comme s'il avait traversé une poche d'air. Peut être sa femme et ses enfants endormis esquissaient-ils un geste inquiet, comme s'ils avaient tous été touchés par un même cauchemar au même instant."
Couvertures de l'ancienne édition intégrale en 3 tomes |
Car après l'épidémie, la lutte entre le Bien et le Mal se profile. Les serviteurs de Randall Flagg sont des femmes et des hommes "qui ont chassés Dieu de leurs cœurs; les faibles, les solitaires."
Le nouveau monde imaginé par Stephen King est "un monde imaginaire, un monde disloqué" où de grandes puissances surnaturelles réunissent leurs adeptes et leurs forces en vue de la confrontation qui décidera du sort du nouveau monde émergeant.
Mère Abigaël l'annonce: "des jours terribles nous attendent, des jours de mort et de terreur, de trahison et de larmes. Et nous ne serons pas tous là pour en voir la fin."
Comment ne pas être happé par la lecture de la première partie du Fléau? Les huit cents et quelques pages se dévorent et témoignent non seulement de l'imagination prolifique de Stephen King, mais aussi de sa maîtrise de la narration. Les personnages sont posés, analysés, décortiqués avec leurs part d'ombre et de lumière. Randall Flagg incarne "la peur paralysante et sans espoir que ressent la poule devant la belette." Quant à Mère Abigaël, c'est l'Espoir, la possibilité d'un monde de lumière.
Les descriptions de la propagation du virus sont terrifiantes et vraisemblables. Tout est fait pour que le lecteur sente à quel point on ne peut rien faire avec la meilleure volonté du monde, lorsque le drame est en marche.
Et pourtant, au détour d'une page, l'auteur réussit à faire preuve d'humour. Il anticipe aussi quelques événements de la seconde partie. Il pose l'intrigue, et pour les besoins d'une réédition complète à réécrit quelques passages pour raconter une Amérique des années 90.
Le Fléau raconte enfin que l'univers du maître du genre est structuré, certains de ses romans faisant écho ou référence à d'autres, tels des clins d’œil pour les lecteurs passionnés.
A suivre donc, et rapidement.