Surtout rester éveillé... et tenter d'avancer.
"Quand on atteint un certain stade quelque part autour de la quarantaine, le passé ne nous ressemble plus. Le lien à notre ancienne vie est comme un rêve ou du délire, et la personne que l'on était n'est plus qu'une connaissance que l'on a beaucoup aimée, ou le personnage adoré d'un livres de contes. C'est ainsi que la mémoire devient nostalgie."
Fort de ce constat, Dan Chaon, dans ce recueil de douze nouvelles, met en scène des personnages qui, même s'ils n'ont pas tous la quarantaine, portent sur leurs épaules un lourd passé douloureux. Veuf, orphelin, père défaillant, chacun a une bonne raison de tenter d'oublier ce qui leur pèse ou leur fait honte. Or, les souvenirs sont tenaces, et dans l'univers de cet écrivain, ils hantent les rêves et traversent parfois la frontière de la réalité pour ne pas être oubliés.
Les traumatismes émotionnels, les fêlures de l'enfance ont un impact direct sur la capacité de devenir un adulte responsable et épanoui. Dès lors, le sentiment de solitude transpire à chaque page. Même entouré, on reste seul avec soi-même, on lutte contre un isolement qu'on abhorre et entretient amoureusement à la fois.
Des questions se profilent, lancinantes: déménager, changer de vie, tenter de faire abstraction du passé, est-ce une forme d'infidélité à ce que nous sommes et à ceux qui ont faits partie de notre vie à un moment ou à un autre?
Dans la masse confuse du monde, Dan Chaon met en scène des américains moyens qui portent tous une blessure qu'ils pensent bien cachée. Au fils des nouvelles, un schéma récurrent apparaît dans lequel les sentiments de remords ou de regrets sont majoritaires.
Parfois, à force de solitude et de douleur, on croit devenir fou, et on cherche, dans le quotidien, les signes que quelqu'un, quelque part, nous parle ou nous soutient.
Avec Surtout rester éveillé, Dan Chaon revient à ses premières amours, l'écriture de la nouvelle. Ce recueil est un petit bijou du genre. Le ton sonne juste, la description des sentiments n'est jamais dans l'excès. Les personnages sont vraisemblables et traînent leur pauvre "carcasse" dans une vie que leur passé a décidé pour eux.
Par moment, résonne un écho fantastique, un point de suspension, permettant de libérer l'imagination du lecteur, et indiquant, pour la même occasion, que la mort n'est peut-être pas une fin réelle, mais le début d'autre chose...
A découvrir sans tarder.