jeudi 6 novembre 2014

l'Héritière, Hanne-Vibeke Holst

Ed. Héloïse d’Ormesson, traduit du danois par Caroline Berg, octobre 2014, 592 pages, 22.5 euros.

Une femme au pouvoir.


En 2010, au Danemark, la série télévisée Borgen fait succès. Elle met en scène un personnage politique, en l'occurrence une femme, mère de deux enfants, dans les méandres du pouvoir.
Dix années auparavant, Hanne-Vibeke Holst écrivait ce roman, l'Héritière, dont le personnage principal est la ministre de l'environnement, mariée et mère de deux enfants, qui tente de ne pas perdre ses convictions et son âme en faisant de la politique.

Charlotte Damgaard a tout pour plaire. Elle est belle, souriante, mère d'adorables de jumeaux. Elle a fait ses armes en étant à la tête d'une ONG, et elle est connue pour ne jamais renier non seulement ses origines, mais aussi et surtout ses idées. En tant que représentante influente de la force écologique, elle connaît les tables rondes politiques et l'hypocrisie des ministères. Alors quand le premier ministre danois, Per Vittrup, lui demande de devenir son ministre de l'environnement, elle accepte à plusieurs conditions:

"Je ne veux pas qu'on me force à trahir mes convictions, je veux pouvoir prendre librement les décisions que j'estime être les bonnes et je veux garder une certaine marge de manoeuvre par rapport à la ligne politique du gouvernement."
Pourquoi Charlotte? Simplement parce que son amie, Elizabeth Meyer, minsitre influente du gouvernement, voit en elle, une Héritière possible à Vittrup, la promesse d'une femme enfin Premier Ministre.
Pour la jeune femme, cette nouvelle situation ne se fait pas sans concession. Thomas, son compagnon devient homme au foyer par la force des choses, et ils se voient de moins en moins. Au fil des mois, l'exercice du pouvoir est grisant, stimulant, si bien que le foyer familial autrefois solide, s'étiole de plus en plus.

Le lecteur suit les tribulations de Charlotte au pouvoir, dans ce monde dans lequel Machiavel disait "la fin justifie les moyens". Elle va comprendre que les véritables amis se comptent sur les doigts d'une seule main, et elle va y perdre sa naïveté légendaire. En effet, tout est bon à prendre pour obtenir des informations et vendre des journaux.
Au fur et à mesure, Per Vitrupp se demande si l’option Charlotte n'a pas hypothéqué son gouvernement. Elle garde la tête froide, reste compétente, mais s'avère être de plus en plus un électron libre.
"Je suis immunisée contre la maladie du pouvoir. Je ne suis pas porteuse du virus de la politique."

Alors, Charlotte Damgaard fait peur; elle devient la personne à abattre politiquement, et forcément, tout arrive au moment où son couple avec Thomas traverse une passe très difficile.

Construit comme un polar, l'Héritière est un roman d'actualité qui raconte sans détours les coulisses du pouvoir, ses coups bas et ses grandes réussites. Au cœur de cette arène des Temps Modernes, un petit bout de femme qui, jusqu'au bout, ne se laisse pas faire et tente de tout concilier, quitte à être "la proie des rapaces".
Persuadée qu'elle va pouvoir changer les choses, "bouger les lignes politiques", Charlotte entre au pouvoir remplie d'idées reçues et de naïveté, avec la volonté ferme de rentrer dans l'Histoire de son pays:
"Les Danois étaient tellement gâtés qu'ils ne voyaient plus l'abondance dans laquelle ils baignaient et en demandaient toujours plus. Ils voulaient tout, ici et maintenant, un homme capable de se battre pour ses valeurs, et dont le nom passait à la postérité uniquement parce qu'il avait été un citoyen respectable et responsable, était denrée rare."
Seul bémol à cette histoire, une fin un peu trop mélodramatique qui ne colle pas avec le ton général du récit.

A découvrir.