D'un ennui... éternel.
Le principal intérêt de ce roman ne réside pas dans le sujet traité, car le sujet du vampirisme est largement répandu en littérature, mais dans celui de son auteur. Joann Sfar, célèbre pour ses dessins aux traits si caractéristiques, s'essaye au roman en inventant un personnage fort sympathique, torturé à cause de sa nature pas facile à assumer: vampire.
"Les morts reviennent sur Terre quand on leur brise le coeur. C'est pourquoi les savants de jadis recommandaient qu'on le leur pulvérise avec un pieu en bois (...) Il n'est pas prudent de laisser un mort sans sépulture."
Ionas, mort au combat pendant la Première Guerre Mondiale, se voit soudain revenir à la vie alors qu'au même moment son frère Caïn, survivant du conflit, épouse Hiéléna, la fiancée de Ionas.
De son nouvel état parasitaire, le vampire tente de mettre en place une discipline de vie et des valeurs qui lui permettent de supporter sa nouvelle condition. Hélas, Ionas réfléchit trop, n'accepte pas totalement son nouveau régime alimentaire et refuse de laisser des cadavres exsangues derrière lui.
Alors, le lecteur suit les tribulations de ce vampire d'un nouveau genre, ses visites énamourées la nuit à Hiéléna qu'il n'arrive pas à oublier, son amitié improbable avec un chien-vampire, sa tentative désespérée de suicide par pendaison. Le récit ronronne, l'humour tombe parfois à l'eau et on attend désespréement un rebond.
Il intervient avec l'arrivée d'un nouveau personnage, Haydée, feu maîtresse-enceinte de Caïn qui elle aussi se réveille au moment où sa rivale fait de son amoureux un papa comblé. Haydée est vampire et compte bien profiter ce nouvel état pour se venger de celui qui l'a abandonnée jadis sur le sol russe. Mais Ionas veille... Fin de la première partie.
Dans la seconde partie, on retrouve Ionas à New-York, toujours en proie à ses tourments et à sa culpabilité. Il jette son dévolu sur Rebecka, psychothérapeute d'origine russe, veuve d'une star de Rock. A ses côtés, il espère enfin accepter ce qu'il est, à savoir, une créature de la nuit qui vivra éternellement. Du côté de Rebecka, la situation n'est pas simple, Ionas n'étant pas à proprement parler un client normal. Autant demander de l'aide à un spécialiste de la question, Lovecraft lui-même, encore vivant, un fou furieux accusé de nécrophilie, à la santé mentale déficiente et aux accès de violence incontrôlables. C'est pas gagné, surtout quand les résidents du château de Ionas se mêlent de l'affaire...
Les principaux défauts de ce roman sont l'éparpillement et la répétition, si bien qu'il est difficile voire fastidieux de prendre un réel plaisir de lecture. Par moments, on subit l'intrigue (qui finalement n'en est pas une), les personnages secondaires trop caricaturaux et souvent inutiles, mais aussi l'humour douteux et souvent potache de l'ensemble.
L'éternel ne révolutionne pas les lois du genre, et ne réussit pas à tirer son épingle du jeu.
Dommage, car on en espérait beaucoup.