mercredi 29 octobre 2014

Endgame (Tome1- l'appel), James Frey et Nils Johnson-Shelton

Ed. Gallimard Jeunesse, octobre 2014, Traduit de l'anglais (USA) par Jean Esch, 544 pages, 19.9 euros.

Ce qui sera, sera.


Le lecteur averti (ou non) de littérature jeunesse n'a pas pu passer à côté du battage médiatique de ces deux dernières semaines consacrées à la sortie de Endgame, nouvelle trouvaille des éditions Gallimard Jeunesse, roman ado à partir de 15 ans.
Tout est fait pour attirer le lecteur: une couverture en or avec signe kabbalistique, chasse au trésor bien réelle et virtuelle dont l'heureux gagnant se verra confier la coquette somme de 500 000 dollars, et enfin la promesse d'une trilogie à couper le souffle dont les héros sont des jeunes gens de moins de vingt ans dont il est facile (à première vue) de s'identifier. 
Pourtant Endgame est un pavé littéraire assez lourd à porter, fort de ces 544 pages et ses innombrables pistes pour décoder l'énigme.

Côté littérature, car il s'agit bien aussi de cela, ce roman surfe sur les réussites de Hunger Games (Pocket Jeunesse), Divergente (Nathan Jeunesse) et autres trilogies emmenant le lecteur dans des intrigues hors du commun en compagnie de jeunes gens forts, mûrs et parés pour toutes les aventures post ou pré apocalyptiques.
Ainsi Endgame ne rompt pas avec cette petite mise en scène. Dès le début, on apprend que douze jeunes gens sont élevés depuis leur naissance à participer au Jeu. Comme eux, leurs parents ont été d'anciens joueurs potentiels mais non appelés. Sous couvert d'une existence normale, ils sont rompus aux techniques de survie, de défense, à la traduction de langues aujourd'hui disparues, et de codes à première vue indéchiffrables.
La Pyramide Blanche en Chine
Pour eux, le Jeu Endgame est à la fois un mythe dont ils rêvent de participer, tout en sachant que sa mise en place est le signe avant coureur de jours sombres pour la planète Terre:
"Endgame débutera quand la race humaine aura prouvé qu'elle ne mérite pas d'être humaine. Qu'elle a gâché le savoir qu'Ils nous ont donné. La légende dit aussi que, si nous considérons la Terre comme une chose acquise, si nous devenons trop nombreux et si nous épuisons cette planète bénie, alors Endgame débutera. Pour mettre fin à ce que nous sommes et rétablir l'ordre sur Terre. Quelle que soit la raison, ce qui sera, sera."
Ils, ce sont les Premiers Annunakis de Duku, les gardiens venus d'une autre planète dont Kepler 22b semble aujourd'hui le représentant. Autrefois, ils extrayaient l'or de notre planète pour s'en servir comme énergie, et avaient fait de nous, humains, leurs esclaves privilégiés. Depuis, ils sont partis, laissant comme traces de leur existence des sites archéologiques (qui existent réellement) qui sont toujours restés une énigme pour les pécialistes, tel celui de Stonehenge (Royaume-Uni), Gobekli Tepe (Turquie), la Grande Pyramide Blanche (Chine), pour ne citer qu'eux...

Néanmoins, l'affaire se corse lorsque ce qui aurait pu être une aventure pour la survie de l'Humanité avec douze ados sélectionnés et qui s'entraident, est en fait un jeu qui prône la survie, certes, mais celle d'une seule lignée sur les douze à l'issue du Jeu. Dès lors, chaque héros est maître du destin des siens; il doit mentir, tuer, coucher (eh oui) bref être stratégique pour éliminer ses adversaires et survivre aux autres pour acquérir les Trois Clés garantes de la survie de la planète: la Clé de la Terre, la Clé du Ciel et la Clé du Soleil.
Le site de Gobeli Tepe en Turquie

Et c'est là que le bât blesse. Car autant  certains personnages tentent de faire l'aventure "proprement", d'autres en profitent pour assouvir leurs pulsions meurtrières. Endgame regorge  de pages violentes et de procédés douteux faisant plus ou moins l'apologie du meurtre et de la manipulation comme seules solutions pour se distinguer des autres:
"Bitsakian appuie la lame du couteau contre le cou de l'homme et, lentement, il lui tranche la gorge.
- C'est Endgame, dit-il, il n'y a pas de pourquoi."
ou:
"Quand tuer devient nécessaire, il vaut mieux le faire calmement, avec des gestes fluides et décontractés. Il l'a fait pour la première fois à 10 ans et, depuis, il l'a refait quarante-quatre fois."
Isolés de leur contexte, ces passages font froid dans le dos.

La stratégie est un fait, le mensonge et la manipulation aussi, mais leur banalisation, accompagnée de cadavres en veux-tu en voilà peut être dangereux si le lecteur n'est pas "mûr" littérairement parlant.
Et Endgame, au-delà du jeu admirablement pensé, tirant à merveille l'imaginaire du lecteur en exploitant les énigmes archéologiques, est aussi un texte à double tranchant qui peut interpeller tant il contient de petites scènes choquantes, pas toutes nécessaires finalement car le récit est parfaitement huilé.

Côté personnages, les auteurs n'ont rien oublié:  entre le canon bien sous tout rapport (mais capable de tuer par amour) et le psychopathe fou furieux, on trouve une muette, un ado rempli de tics, ou encore une très jeune mère de famille, quant aux autres je vous laisse le soin de les découvrir. Tous en ont commun d'être des machines de survie, des as de la dissimulation des sentiments susceptibles de les fragiliser. Des alliances se forment mais la mort n'est jamais loin car chacun sait que "nous sommes à un cycle sans fin" et que l'avenir de la planète dépend de leur réussite ou non au jeu.

La grande qualité de ce roman fleuve c'est qu'il ne se disperse pas. En effet, Endgame est au centre de tout. Un petit malin pourrait même s'amuser à compter combien de fois le nom est répété à longueur de pages, et je suis sûre que le nombre d'occurrences donnerait le vertige.
Les règles sont claires, les personnages sans surprises mais attachants (pour certains) dans leur façon de gérer leur dualité. L'intrigue en elle-même est astucieuse, car elle promène le lecteur aux quatre coins du monde et mélange avec art le roman d'aventures, le roman fantastique, et avec le défi , "le livre dont vous êtes le héros".

Endgame est un roman parfaitement pensé et ajusté, calibré pour être une réussite commerciale et peut-être la source d'une future adaptation cinématographique, mais qui peut laisser dubitatif le lecteur-adulte à cause des valeurs mises en avant, et qui hors contexte, peuvent être choquantes.

A partir de 15 ans.


Stonehenge au Royaume-Uni


Présentation de l'éditeur

ENDGAME EST UNE RÉALITÉ. ENDGAME A COMMENCÉ.

Douze jeunes élus, issus de peuples anciens. L'humanité tout entière descend de leurs lignées, choisies il y a des milliers d'années. Ils sont héritiers de la Terre. Pour la sauver, ils doivent se battre, résoudre la Grande Énigme.
L'un d'eux doit y parvenir, ou bien nous sommes tous perdus. Ils ne possèdent pas de pouvoirs magiques. Ils ne sont pas immortels. Traîtrise, courage, amitié, chacun suivra son propre chemin, selon sa personnalité, ses intuitions et ses traditions.
Il n'y aura qu'un seul vainqueur.

Une quête survoltée aux quatre coins du globe, menée par la plume nerveuse d'un grand auteur. Addictif !

Au-delà d'une lecture intense, ce livre cache dans ses pages une super-énigme composée de codes et indices imaginés par de grands cryptographes. Menez votre propre quête en tentant de la résoudre. Déchiffrez, décodez et interprétez. Le premier d'entre vous qui y parviendra gagnera une véritable fortune en pièces d'or(Lire les règles du jeu Endgame sur www.endgamerules.com)

En parallèle de cette quête, un jeu mobile novateur conçu par le laboratoire Niantic de Google permet de jouer à Endgame dans le monde réel, en choisissant une lignée et en affrontant d'autres joueurs.

LISEZ LE LIVRE. TROUVEZ LES INDICES. DÉCRYPTEZ L'ÉNIGME.