vendredi 5 septembre 2014

Passage de l'amour, Pascale Roze

Ed. Stock, janvier 2014, 176 pages, 18 euros, recueil de nouvelles

 Variations sur le sentiment amoureux.



Qu'il soit filiale, maternelle, adultérin ou légitime, la morsure de l'amour est une blessure à laquelle nous devons profiter, car qui nous dit qu'un jour Cupidon ne cessera pas de décocher ses flèches?
En dix-huit nouvelles, Pascale Roze décline le sentiment amoureux, l'élément marin et les souvenirs d'Indochine. Dans Une Enfant, Marie, trisomique, se calme en se noyant dans tout l'amour contenu dans les yeux de sa mère.  Car l'amour n' a parfois pas besoin de mots pour s'exprimer. Il est dans les gestes du quotidien, l'oubli de soi pour soigner l'autre, ou l'acceptation de le quitter:
"Si bien qu'un jour elle avait réussi ce dont elle se croyait incapable: elle l'avait quitté (...) Elle l'avait arraché de son cœur, de sa chair, de son imagination. Ce doit être ça, se disait-elle, la douleur de l'avortement." (Bercail)
Aimer, c'est aussi accepter l'absence de l'autre et se résoudre à faire un long voyage en train, seul pour poser un bouquet de fleurs sur sa tombe, comme le vieil homme du récit Dans les Alpes. Mais aimer, c'est aussi faire face à la jalousie, au chagrin, au désamour aussi, parfois:
"Chacun de notre côté, nous nous étions suivis et précédés. Nous avions, silencieusement, fait comme des pas de danse sur un même chemin." ( Carnet de bal)

De manière récurrente, l'auteure met en scène un couple face à la maladie. Monsieur, écrivain de profession, attend une greffe cardiaque. Madame, est devenue sans trop le vouloir finalement, sa garde malade. Leur existence commune est suspendue à l'attente d'un nouveau cœur, promesse aussi, pourquoi pas, d'un peu de fraîcheur dans leur amour:
"La maladie les a fondus ensemble, eux qui revendiquaient leur liberté. Ils essaient de bien le vivre." (Le chevalier de Doublecoeur)
L'eau, la mer, devient pour chacun source de répit. Nager pour fuir, nager pour oublier. Se perdre au milieu des vagues de Bali (Kuta) et disparaître, un peu comme Béa qui, En mer, décide de quitter sa vie, ses jalousies en nageant jusqu'à l'épuisement, mais  n'y parvient pas.
Autant de variations sur l'amour que Pascale Roze mêlent aux souvenirs de son enfance dans Thanh ou Noyant-d'Allier. Or, souvent ces amours sont aussi source de douleur et de chagrins, s'exprimant par l'addiction à l'alcool, la fuite avec une phrase laconique "j'étouffe, je veux partir", ou une forme volontaire de naïveté en acceptant la répétition pour réussir son couple (Avant quoi?)

Finalement l'angoisse universelle de tous ces personnages est de ne plus être aimé, de ne plus être rempli d'amour, être vide de ce sentiment impérieux à la fois douleur et bien être. L'alcool, la maladie, l'usure du couple, la jalousie, sont autant de facteurs à combattre, et la joie peut être une arme salvatrice:
"La joie, c'était comme le sommeil... une réparation, une nécessité." (Supporter)

Passage de l'amour est un recueil intimiste, subtil et complet sur les conséquences des flèches décochées par l'enfant joufflu (Passage de l'amour). Les nouvelles se font parfois échos ou miroir antithétique, mais se lisent toutes avec un plaisir certain.