Petits arrangements entre locataires...
Célia, personnage central du roman, est une jeune veuve dont la vie, pense-t-elle, s'est arrêtée à la perte de son époux adoré. Elle vivait avec lui une relation fusionnelle, si complémentaires, qu'après sa mort, elle fut incapable de quitter le quartier de Brooklyn qu'il aimait tant. Alors, avec l'argent du couple, elle a acheté un vieil immeuble dans lequel elle loue des logements.
"Être veuve inspirait le respect autrefois. On considérait cela comme une destination. Maintenant on nous demande de tirer un trait, d'aller de l'avant, de devenir quelqu'un ou quelque chose d'autre, de nous marier, de divorcer, de nus remarier. Le mode de vie américain nous pousse à vivre un processus de renaissance triomphante, constante, ou de céder la place. J'ai été ravie de céder la place."
Pour la jeune femme, "céder la place", c'est être constamment en retrait de tout, même vis-à-vis de ses locataires, car son principal objectif est de respecter leurs vies privées. Certes, elle remplit son rôle de propriétaire, mais nouer des liens, dialoguer est au-dessus de ses forces. Pourtant, parce qu'il le faut bien parfois, elle fait surface, paraît, tout en étant ailleurs, être à l'intérieur d'elle-même:
"Mon esprit ricochait d'un endroit à l'autre, avant de revenir sur ses pas pour digérer ce qui s'était passé, bâtir une histoire. On écrit ou réécrit tous, pour pouvoir se rendre acceptable à nos yeux et aux yeux des autres, surtout des autres."
Célia va devoir sortir de son cocon par la force des choses. En effet, un des ses locataires, Mr Coughlan, capitaine de Ferry à la retraite, a disparu, et dans le même temps, la sous-locataire, Hope, qui habite au-dessus de chez elle, a entrepris une relation pour le moins bruyante et étrange avec un certain Les. Hope est en instance de divorce et semble trouver son équilibre dans l'auto-destruction...
Par la force des choses, pour retrouver le silence et la tranquillité de l'immeuble, mais aussi poussée par la curiosité, Célia entre dans l'intimité de sa locataire. Par ce biais, elle se remémore des souvenirs enfouis, et tente d'analyser son propre comportement de distanciation.
Dès lors, une étrange amitié se met en place entre les deux femmes.
Le bruit des autres est un roman tout en contradiction à cause de son personnage principal. Son héroïne veut à tout prix préserver son intimité et celle de ses locataires, et dans le même temps, se rend chez eux lorsqu'ils sont absents. Son statut de propriétaire est à la fois un fardeau qu'elle tente d'assumer et un privilège dont elle profite. Ainsi, le lecteur entre dans l'intimité des habitants de l'immeuble, mais chaque récit est esquissé, si bien qu'un sentiment d'attente s'installe durablement.
L'auteur installe un faux suspsens en intégrant la disparition du vieux capitaine en mal d'activité mais l'intrigue piétine jusqu'à un deus ex machina assez maladroit.
Ce premier roman est inabouti, contenant pourtant quelques pistes fictionnelles très intéressantes mais pas assez exploitées. On s'éparpille, on teste, on s'ennuie parfois, pour aboutir à une impression mitigée.