Rompre avec la routine.
Dans ce quatrième ouvrage de l'auteur, on retrouve toute la
force poétique et l'art de mettre en avant ces petits riens de l'existence qui
remplissent notre quotidien bien morne. Thomas Vinau nous pousse à être
attentif à ce qui nous entoure, nous invite à prendre le temps de se pauser
afin de retrouver un équilibre intérieur que le rythme forcené de la vie active
a tendance à mettre de côté.
Joseph est séparé de la mère de son fils Noé. C'est lui qui gère le quotidien du petit dans la maison, près de la plage, avec un jardin. Les jours d'école sont des jours de travail pour le père, assistant bibliothécaire. Ces jours-là, sont des jours sans joie, réglés par la routine, les mêmes gestes, les mêmes personnes. On se lève le matin en sachant pertinemment qu'on se couchera le soir sans savoir vraiment à quoi a servi cette journée :
Joseph est séparé de la mère de son fils Noé. C'est lui qui gère le quotidien du petit dans la maison, près de la plage, avec un jardin. Les jours d'école sont des jours de travail pour le père, assistant bibliothécaire. Ces jours-là, sont des jours sans joie, réglés par la routine, les mêmes gestes, les mêmes personnes. On se lève le matin en sachant pertinemment qu'on se couchera le soir sans savoir vraiment à quoi a servi cette journée :
« Le matin est une maison qui s'effrite. Tout est
précis. Réglé. Tendu (...) C'est parti jusqu’au soir. Toute la journée est
réglée. Jusqu'au crépuscule qui recommence dans l'autre sens. »
Seule la voix de Noé, le soir en rentrant, fait que « tout
se libère et se détend »
De toute façon, le petit est trop jeune pour une vie de
bohème ; il croque la vie à pleine dents et avec son père, il profite des
moments à deux.
Quand sa maman vient le chercher pour le week-end ou les
vacances, Joseph se retrouve seul. Il peut enfin laisser libre cours à ses
pensées d'enfant qui a grandi trop vite ; il peut enfin s'affranchir de
toutes les règles que la société lui impose. Dans la cabane du jardin, il tente
de se retrouver, donne une chance à ses
précieux souvenirs. Enfin, le temps ne lui dicte plus ses lois :
« Ça fait du bien de changer de rythme. De lâcher la
montre. Bénis soient les jours fériés et les semaines de vacances. Bénis soient
les lambeaux arrachés avec les dents à la hyène du temps (...) Il n'y a que des
parenthèses. Et parfois des points de suspension entre les parenthèses. Le
dernier grain sera le dernier point. »
Bien que la solitude soit un bon moyen pour une introspection
réussie, Joseph « se frotte » aussi aux autres, persuadé aussi que ce
sont les petits moments, les petits événements qui font que « il en
faut peu pour se sentir libre. Il y a des instants, des éclats, qui vous
sauvent en un quart de seconde de la putréfaction spontanée. » Dès
lors, ses échanges avec Robin le clochard, ou la petite voisine qui joue de la
flûte traversière sont autant de rencontres qui lui permettent de se recentrer.
Comme sa tortue de terre qui cherche
obstinément à avancer malgré les obstacles, Joseph tente de trouver un
équilibre de vie qui lui permettrait non pas de donner du sens à son quotidien
professionnel « pire qu'un mauvais bouquin », mais de le supporter
vaillamment.
Dans sa cabane à ranimer les rêves, il observe les nuages,
les contemple, les convoite :
« Le jour est une pente que tout le onde dévale. Les
nuages cavalent dru dans le ciel. Le vent fouette leurs flancs. Leurs ombres
galopent sur les collines, enjambent les plaines, avalent la lumière. Ça bouge
au-dessus de vos têtes (…) Il faudrait retourner là-haut, dans les
nuages. »
« Dans la vie, il faut mettre les formes sinon ne reste
qu'une boucherie parfumée ». Fort de ce constat, Thomas Vinau décrit un
homme, qui, le temps d'un week-end renoue avec ce qu'il est profondément, et
tord le cou à tout ce qui lui pèse au quotidien. Le tout est porté par la
poésie irrésistible de l'auteur, créant ainsi, à chaque page, des fulgurances
littéraires qui nous touchent intimement. En effet, qui n'a pas rêvé un jour de
faire comme Joseph, mais n'a pas osé ?
Ainsi, notre personnage prend au mot ce passage de
Jean-Claude Pirotte dans Place des Savanes :
« L'état de déserteur serait le mien J'avais enfin
découvert ma vocation. »
Joseph est désormais un déserteur de la routine, et a fait de
la joie de vivre qui « est le dos de la peur » son leitmotiv intime.
Elle est sa Part des nuages.