lundi 7 juillet 2014

Les heures souterraines, Delphine de Vigan

 Ed. Le livre de Poche, mars 2011, 256 pages, 6.6 euros

Ultra moderne solitude


Thibault et Mathilde ne se croiseront jamais, car la ville est trop grande.Pourtant, ils ont les mêmes états d'âme, la même impression étrange et pénétrante qu'ils sont arrivés au bout d'un processus, "au bout de ce qu'il est humainement possible de supporter".
Pour Thibault, c'est la grande désillusion. Il a enfin réussi à rompre avec celle qui ne l'aimait pas, mais qu'il gardait comme une perfusion au bras. Happé par la ville et ses embouteillages, il n'arrive plus à faire éponge de ce qu'il voit au quotidien en tant que médecin: la solitude et la détresse des gens. Il sent que la ville "attend son heure pour le vomir ou le recracher, comme un corps étranger". Mathilde s'est épanouie au sein de l'entreprise qui l'a accueillie il y a huit ans après le décès de son mari. Seulement, un jour, elle a osé contredire en public son supérieur....
De là, le lecteur comprend que le harcèlement moral s'est mis en place, même si le terme n'est jamais employé. Elle est venue jour après jour, témoin inerte de sa lente "désintégration" au sein d'un endroit où elle avait de hautes responsabilités.Désormais, elle côtoie la lâcheté des collègues, les nuits d'insomnie, la fatigue et la dépression qui guette.
Maintenant, "elle se tait, parce qu'elle a honte." Pour elle, la vie est devenue "un pendule oscillant entre la souffrance et l'ennui".
Pas très gai me direz-vous. Vous avez raison, mais le lecteur est happé par ces deux destins écorchés par la vie si bien que j'ai lu ce roman d'une traite. Par une économie de mots, l'auteur a écrit un récit essentiel sur "ces heures souterraines" c'est à dire ces moments où on est confronté à son moi, où on est relégué au rang de quantité négligeable.
La ville, par son caractère oppressant, devient le troisième personnage ou bien le jumeau du supérieur de Mathilde.
 Bref, un roman à lire d'urgence!