vendredi 11 avril 2014

Pluie noire, Masuji Ibuse

Ed. Folio, traduit du japonais par Takeko Tamura et Colette Yugué, septembre 2004,384 pages, 8.4 euros .

 J'ai tout vu à Hiroshima...

le 6 août 1945, à 8 h du matin, une bombe "spéciale de qualité supérieure" provoquant un bruit assourdissant et un éclair de chaleur intolérable, détruit la ville Hiroshima. Ce "monstre en forme de parapluie", développe un drôle de nuage, une "méduse tour à tour rouge, violette, indigo, verte, et s'élargissant toujours vers le Sud-Est." Après la stupeur, les survivants s'organisent et tentent, tant bien que mal, de rejoindre la gare vers un train éventuel qui les éloigneraient de cet enfer. Car la description d'Hiroshima post-apocalyptique n'a rien à envier de celle que Mc Carthy propose dans La Route.
Cendres, bâtiments anéantis ou éventrés, cadavres éparpillés....
Et soudain, une pluie noire, certes bien étrange mais dont personne ne soupçonne qu'elle puisse être dangereuse. Afin de donner de la distance et de la vraisemblance aux faits décrits, l'auteur a décidé de présenter son récit sous la forme d'extraits de journaux intimes de protagonistes survivants.
Malgré l'incrédulité des premiers jours, la faim, la dysenterie et d'autres maux méconnus, la solidarité entre les habitants se développe. Le vol d'un milan, l'aide aux malades, ou encore l'élevage de carpes de bassin donnent l'espoir que la vie et la nature reprennent le dessus sur l'indicible. Car avoir été "atomisé" à Hiroshima ou Nagasaki c'est l'assurance de ne pas pouvoir mener une vie normale ou de ne pas trouver un mari. Dès lors que deviennent les harangues au combat "jusqu'à la mort"?
Que signifie vraiment le mot "capitulation" lorsque tout à été détruit? Un survivant déclare même: "j'aurais mieux aimé naître dans un pays sans état".
Ce n'est que beaucoup plus tard que les victimes sauront que le "pikadon" qui les a agressés s'appelle en réalité une bombe atomique.