mardi 11 mars 2014

Amsterdam, Ian McEwan

 Ed. Folio Gallimard, traduit de l'anglais par Suzanne V.Mayoux, août 2002, 252 pages, 6.8 euros

Un arbre empoisonné


C'est l'histoire d'une amitié franche et sincère qui n'en est pas une, tellement pourrie par l'égocentrisme et l'ambition des deux protagonistes.
Vernon et Clive ont en commun une maîtresse (maintenant décédée), et l'intime conviction qu'ils sont des génies dans leur profession. L'un est directeur de rédaction d'un journal qui cherche un nouveau souffle, l'autre est un compositeur célèbre. Tous deux détestent le ministre des affaires étrangères Garmony, ancien amant (aussi!) de leur amie défunte Molly. Sous prétexte d'honnêteté et de transparence, Vernon veut publier des photos compromettantes du politique. Clive repousse cette intention, fustige l'ambition de son ami jusqu'au jour où, lui aussi, sera confronté à un choix remettant en cause ses valeurs...
L'intrigue est brillamment orchestrée cynique à souhait. Toutes les variantes de l'âme humaine y sont passées au scalpel. Tous les coups sont permis, pourvu qu'on est l'ivresse du succès, et tant pis s'il y a des dommages collatéraux! Petit à petit Vernon et Clive s'éloignent, ne supportant plus l'attitude et le nombrilisme de l'autre, alors que, finalement, ce sont deux hommes aux instincts tellement proches. McEwan dénonce notre société contemporaine dans ce qu'elle a de plus abject: le sensationnel, l'ambition à tout prix, la destruction des valeurs morales. Ainsi, il ne fait qu'expliquer que, dans ce contexte, la véritable amitié n'est pas possible puisque l'instinct de conservation professionnelle est le plus fort.
Certes, la narration est dense, mais les digressions sont peu nombreuses. Chaque situation à son importance et mène tranquillement le lecteur vers une fin très habile en faisant ressortir un troisième personnage comme le plus malin.
Amsterdam est un thriller cérébral, car même s'il n'y a pas de meurtres, le narrateur omniscient propose une enquête sur l'âme humaine et ses vices cachés Et, malheureusement, dans ce domaine, c'est "no limit".