mardi 28 janvier 2014

Les déferlantes, Claudie Gallay

Ed. J'ai Lu, juin 2010, 480 pages, 8.4 euros

Et derrière les lignes, l'ombre de Prévert...

 

Le premier chapitre vous emporte comme les vagues et le vent emportent les planches "évadées" d'un cargo au large. Le style m'a "happée": des phrases simples, dépouillées, dans des chapitres courts et puissants. Même ce que l'on devine à travers les mots prend toute sa dimension. La narratrice n'a pas de nom, mais on sait qu'elle a quitté le Sud pour ce bout de terre du Cotentin, la Hague, après la mort de son compagnon. En comptant les oiseaux et en les observant, elle lutte contre le manque, plus que l'ennui de son homme à jamais disparu: "ton corps de colosse était devenu une petite chose perdue au fond du lit." Dans son quotidien, elle croise une population de "taiseux"dont les caractères s'apparentent étrangement aux humeurs de la mer et au paysage environnant. Il y a Raphaël, le sculpteur, et sa soeur Morgane, Max le benêt, Mr Anselme, mémoire vivante de Jacques Prévert, Lili,et le trio improbable Théo, la vieille et Nan qui "croit que chaque visage inconnu est un rendu de la mer". Il faut le retour de Lambert, un homme plein de certitudes qui veut comprendre la mort de ses parents, pour que la narratrice comprenne qu'un drame s'est noué il y a quarante ans et que les gens se taisent: "cette histoire effleurait la mienne, en faisant vibrer tout le sensible". Lambert, par son errance dans le village, fait ressurgir les ombres du passé, tout comme "les vents (qui) soufflent les jours de tempête sont comme les tourbillons de damnés.". Les silences deviennent des insultes, les désirs "sont mis à vif par les vents. C'est une affaire de peau la Hague. Une affaire de sens." Au fur et à mesure, la narratrice va se rapprocher de Lambert. Il lui ressemble tant! Au fur et à mesure, elle va comprendre toute l'histoire, et par un regard appuyé, un silence, elle fera parler les protagonistes. Le lecteur devine un peu avant la narratrice ce qui s'est passé, mais qu'importe! Pourvu qu'on ait l'ivresse de ce style au charme envoûtant!