En tout cas, ces croyances populaires en
la licorne, au dahu et autres bêtes à poil ne sont pas une exception
européenne. En effet, dès l’Antiquité, Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle, recensait déjà des créatures extraordinaires vivant aux confins de l’Asie.
Depuis qu’il est capable de raisonner,
l’esprit humain compense son ignorance par la croyance en l’existence
d’animaux imaginaires. Par exemple, alors qu’on croyait la Terre plate
et limitée par les Colonnes d’Hercule, on entretenait la peur
de l’inconnu en assurant qu’au delà de ces colonnes, des monstres et des
chimères aux formes invraisemblables peuplaient et surtout
surveillaient les confins du monde connu.
Cependant, les amalgames restent
nombreux. Comment ne pas confondre les mammifères légendaires, avec les
chimères complexes ou les invraisemblables rampants ? C’est pourquoi cet
album classe en cinq catégories plus de soixante-dix créatures
répertoriées, toutes sorties de l’esprit humain, et dont les
survivances, jusqu’à nos jours, feraient pâlir, par leur précision, les
aèdes antiques…
Les souvenirs et autres obscures
légendes ne suffisant pas, les auteurs se sont servi de bases écrites
pour construire leur album. Avec Pline l’Ancien cité plus haut, on
trouve aussi les Monstres et prodigesd’Ambroise Paré, Le livre des êtres imaginaires
de Borgès ou encore le recours aux bestiaires médiévaux, s’il ne faut
citer qu’un tiers des ouvrages cités par les deux auteurs. Dès lors,
l’étude des différentes sources a permis la compilation de plus de
soixante-dix animaux fort différents dont la plupart nous sont inconnus.
Certes, la licorne, le dahu, le griffon, la vouivre y trouvent légitimement leur place, mais on croise aussi le corbulonase, un étrange animal du Pacifique à six nez qui lui donnent l’allure d’une fleur, ou bien la velue, un dragon amphibie du Nord de la France aux poils étrangement toxiques…
Quelques créatures bénéficient d’une
double page avec une planche anatomique, un texte, une illustration et
une localisation géographique, par exemple le yale, bête à cornes de l’Ethiopie :
La plupart a davantage droit à une description moins exhaustive sans toutefois sombrer dans le bâclé.
Ce livre a pour objectif d’être complet.
De plus, il a l’immense avantage de pouvoir être lu de manière
aléatoire, en fonction des goûts et des préférences du lecteur,
puisqu’un sommaire complet en début d’ouvrage sert de « GPS
littéraire » :
1) Les mammifères légendaires
2) Les créatures ailées fabuleuses
3) Les reptiles extraordinaires
4) Les prodigieuses créatures aquatiques
5) Les invraisemblables rampants
En parcourant les pages, en lisant les
textes, on retrouve notre âme d’enfant. On se rend compte aussi que
l’être humain a toujours eu une imagination débordante pour susciter la
peur ou l’étonnement. Car, quel était le but ultime de donner vie à ces
extraordinaires animaux, sinon de créer un sentiment bien précis parmi
les Hommes enclins aux croyances mystiques ?
L’ère moderne et ses innovations
technologiques de plus en plus performantes font courir le risque d’un
oubli total de ces créatures fantastiques. Il fut un temps où ces
animaux faisaient partie de notre quotidien ; de nos jours, on les
retrouve davantage dans la littérature ou des fictions spécialisées… A
vouloir tout prouver avec les procédés dernier cri, les scientifiques ou
vulgarisateurs brisent les mythes. Cependant, les croyances ont la dent
dure, on l’a vu avec la célèbre Nessie du Loch Ness
(bizarrement non répertoriée), dont l’existence n’ayant pas été prouvée
jusqu’à ce jour, n’en reste pas moins une créature faisant partie
intégrante du folklore local avec sa horde de croyants.
Les sceptiques brandiront le sempiternel
« je ne crois que ce que je vois », il n’empêche que l’on peut être
cartésien et rêveur… Dès lors, Histoires naturelles des animaux imaginaires est un excellent album pour ne pas oublier la propension des êtres humains à imaginer, inventer, croire et transmettre.