samedi 14 décembre 2013

RUE DES ALBUMS (23) Histoire naturelles des animaux imaginaires, Hélène Rajcak et Damien Laverdunt

Ed. Actes Sud Junior, octobre 2012, 80 p. 19,50 € (avec la collaboration de Cécile Colin et Luc Vives du Museum national d’histoire naturelle)


Qui n’a jamais entendu dans sa jeunesse qu’une créature fabuleuse et improbable était tapie dehors, dans le noir, prête à bondir sur les enfants pas sages ?
En tout cas, ces croyances populaires en la licorne, au dahu et autres bêtes à poil ne sont pas une exception européenne. En effet, dès l’Antiquité, Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle, recensait déjà des créatures extraordinaires vivant aux confins de l’Asie.
Depuis qu’il est capable de raisonner, l’esprit humain compense son ignorance par la croyance en l’existence d’animaux imaginaires. Par exemple, alors qu’on croyait la Terre plate et limitée par les Colonnes d’Hercule, on entretenait la peur de l’inconnu en assurant qu’au delà de ces colonnes, des monstres et des chimères aux formes invraisemblables peuplaient et surtout surveillaient les confins du monde connu.
Cependant, les amalgames restent nombreux. Comment ne pas confondre les mammifères légendaires, avec les chimères complexes ou les invraisemblables rampants ? C’est pourquoi cet album classe en cinq catégories plus de soixante-dix créatures répertoriées, toutes sorties de l’esprit humain, et dont les survivances, jusqu’à nos jours, feraient pâlir, par leur précision, les aèdes antiques…
Les souvenirs et autres obscures légendes ne suffisant pas, les auteurs se sont servi de bases écrites pour construire leur album. Avec Pline l’Ancien cité plus haut, on trouve aussi les Monstres et prodigesd’Ambroise Paré, Le livre des êtres imaginaires de Borgès ou encore le recours aux bestiaires médiévaux, s’il ne faut citer qu’un tiers des ouvrages cités par les deux auteurs. Dès lors, l’étude des différentes sources a permis la compilation de plus de soixante-dix animaux fort différents dont la plupart nous sont inconnus. Certes, la licorne, le dahu, le griffon, la vouivre y trouvent légitimement leur place, mais on croise aussi le corbulonase, un étrange animal du Pacifique à six nez qui lui donnent l’allure d’une fleur, ou bien la velue, un dragon amphibie du Nord de la France aux poils étrangement toxiques…
Quelques créatures bénéficient d’une double page avec une planche anatomique, un texte, une illustration et une localisation géographique, par exemple le yale, bête à cornes de l’Ethiopie :
La plupart a davantage droit à une description moins exhaustive sans toutefois sombrer dans le bâclé.
Ce livre a pour objectif d’être complet. De plus, il a l’immense avantage de pouvoir être lu de manière aléatoire, en fonction des goûts et des préférences du lecteur, puisqu’un sommaire complet en début d’ouvrage sert de « GPS littéraire » :
1) Les mammifères légendaires
2) Les créatures ailées fabuleuses
3) Les reptiles extraordinaires
4) Les prodigieuses créatures aquatiques
5) Les invraisemblables rampants
En parcourant les pages, en lisant les textes, on retrouve notre âme d’enfant. On se rend compte aussi que l’être humain a toujours eu une imagination débordante pour susciter la peur ou l’étonnement. Car, quel était le but ultime de donner vie à ces extraordinaires animaux, sinon de créer un sentiment bien précis parmi les Hommes enclins aux croyances mystiques ?
L’ère moderne et ses innovations technologiques de plus en plus performantes font courir le risque d’un oubli total de ces créatures fantastiques. Il fut un temps où ces animaux faisaient partie de notre quotidien ; de nos jours, on les retrouve davantage dans la littérature ou des fictions spécialisées… A vouloir tout prouver avec les procédés dernier cri, les scientifiques ou vulgarisateurs brisent les mythes. Cependant, les croyances ont la dent dure, on l’a vu avec la célèbre Nessie du Loch Ness (bizarrement non répertoriée), dont l’existence n’ayant pas été prouvée jusqu’à ce jour, n’en reste pas moins une créature faisant partie intégrante du folklore local avec sa horde de croyants.
Les sceptiques brandiront le sempiternel « je ne crois que ce que je vois », il n’empêche que l’on peut être cartésien et rêveur… Dès lors, Histoires naturelles des animaux imaginaires est un excellent album pour ne pas oublier la propension des êtres humains à imaginer, inventer, croire et transmettre.
A partir de 9 ans