Traduit du japonais par Corinne Atlan, Ed 10/18, octobre 2004, 270 pages, 7.5 euros
Compagnons de voyage
K
aime Sumire qui aime Miu, une femme étrange, mais aussi un peu K
qu'elle considère comme son meilleur ami, bref de quoi faire le sujet
d'une pièce existentialiste...Ce roman est celui de la distanciation:
distanciation des sentiments et des rapports humains.En effet, K trace
"une frontière invisible avec les autres" et ne déloge pas des
personnages récurrents de Murakami, à savoir un homme tranquille sans
besoin matériel excessif, épaule sur laquelle on s'appuie facilement et
dont on a besoin, sans pour autant en être amoureux. Distanciation avec
le rapport espace-temps à cause de la disparition étrange de Sumire ,ou
les épisodes de dédoublement de MIu. Rêve, réalité, la frontière entre
les deux est si ténue chez cet auteur que toutes les interprétations
sont possibles. N'empêche que ce triangle amoureux est décrit avec calme
et volupté. Violence et règlements de compte sont absents. Au fur et à
mesure se dégagent deux mondes: celui où les personnages "paraissent" et
évoluent, mais ils ne sont que "des coquilles vides" ayant perdu
l'essentiel, et celui où leurs sentiments sont exacerbés, à fleur de
peau, celui où les fantasmes prennent corps. En fait, je pense qu'il
faut comprendre ce roman comme une immense métaphore amoureuse dans
laquelle les protagonistes peuvent disparaître "comme de la fumée"pour
réapparaître ensuite comme si de rien n'était...Et n'est ce pas le
propre de l'amour de naître, de s'exacerber, de s'atténuer et de faire
semblant de disparaître pour mieux renaître de ses cendres? Tout cela
semble bien compliqué, mais croyez moi, la lecture est loin d'être
difficile ou fastidieuse, bien au contraire!