Illustrations Alain Corbel, Collection Terres Insolites, mars 2013, 192 p. 6,90 €
« Magellan
avait l’allure d’un magicien patient, l’élan têtu d’un mage sévère, les
yeux profonds et noirs d’un guerrier aux aguets, la barbe en bataille
d’un sage ancien, les sourcils majestueux d’un marin de haute mer ».
C’est Henrique, l’homme du bout du
monde, l’esclave devenu ami, affranchi par testament, qui parle.
Henrique est vieux maintenant. Vivant sur l’île de Palilo conquise par
les espagnols, il raconte, chaque soir, à ses enfants adoptés, Tambo et
Stombi, les aventures de Magellan.
Alors, ce personnage de fiction se rappelle de véritables événements. « Henrique a la mémoire d’un vieil arbre »
selon son épouse Dolo, c’est pourquoi son récit contient beaucoup
d’anecdotes et de précisions que même le temps n’a pas su faire oublier…
Car Henrique s’appelait avant
Patokin. Banni de son île pour une histoire de rivalité avec le fils du
chef de tribu, il se retrouve esclave. Son histoire l’amène à servir un
certain Magellan, marin portugais, qui, très vite, fait de lui un ami et
un confident. Cet homme tente de réunir des fonds pour trouver une
autre route vers les Indes. La découverte de l’Amérique et l’exploration
des territoires ont favorisé la prolifération d’écrits et de récits de
voyages. Ainsi, sur l’un d’entre eux, l’auteur confirme qu’il a vu, de
l’autre côté de la terre, un autre océan inconnu.
Fort de ce témoignage, Magellan pense
que cette étendue d’eau est la possibilité d’une autre voie maritime
vers l’extrême Orient. Mais le roi du Portugal refuse de lui fournir les
moyens d’une telle entreprise, alors c’est vers l’Espagne que Magellan
se tourne. Le 10 août 1519, c’est une armada forte de cinq navires qui
quitte la vieille Europe : la Trinidad, Le San Antonio, La Concepción, La Victoria, Le Santiago. Avec près de deux cents hommes, dont Henrique, Magellan donne le cap le long des côtes américaines afin de trouver le Passage.
« Nous descendons plus bas, toujours
plus bas, dans plus de fond, vers plus de gris. A tribord la côte. Des
rochers tranchants, des récifs périlleux. La brume nous enveloppe ».
Le voyage dure longtemps : la faim, la
soif, les mutineries sont de la partie, puis le froid. En effet,
Magellan et les siens approchent de ce qu’il appellera « la Terre de
feu », où les blocs de glace rivalisent de gigantisme et où d’étranges
animaux noirs et blancs dépourvus d’ailes les regardent passer sans être
effrayés.
Henrique raconte aux deux enfants
émerveillés comment Magellan tire son épingle du jeu. Il gère à la
perfection son image d’homme affable et volontaire et son tempérament de
chef. Son obstination l’emporte ; un jour, « une immense étendue d’eau calme à perte de vue
» se présente à eux. Ça y est le passage est trouvé, même s’il s’avère
bien plus au sud que prévu ! Cet océan, Magellan l’appelle Pacifique « la paix du désert de la mer ». Mais, l’aventure n’est pas terminée car il faut le traverser pour atteindre les Indes !
Pas facile de raconter l’histoire d’un
homme, père (malgré lui) de la première circumnavigation, sans sombrer
dans la biographie. Pourtant Didier Bazy, en faisant le choix d’y
inclure des personnages purement fictionnels, transforme le récit en
véritable roman d’aventures. Comme le rappelle la collection « Terres
insolites », le lecteur est d’emblée dépaysé, se transforme en véritable
marin embarqué sur l’un des cinq navires de l’Armada.
Comme ce livre est destiné à la
jeunesse, l’auteur ne perd jamais de vue qu’il s’adresse à un jeune
public. Ainsi, les questions formulées par Tambo et Stombi font écho aux
véritables interrogations que pourraient se poser le jeune lecteur. Dès
lors, le récit s’imprègne d’une nuance didactique non négligeable qui,
pour autant, n’alourdit jamais le contenu. D’ailleurs le titre lui-même
tend vers cela : en mettant en avant la dimension fictionnelle avec
l’histoire d’Henrique-Patokin à la recherche de la femme de sa vie
Patoki, Magellan apparaît à la fois comme un personnage essentiel et
supplémentaire, et permet à Henrique de recouvrir son statut d’Homme, de
Horan, « un homme vivant tout simplement », « un homme debout » et non
plus un esclave.
Servi par des illustrations de qualité
en noir et blanc, cet ouvrage remplit son contrat : il instruit et
dépayse à la fois, et offre une fin aussi ouverte que possible, propice à
l’imagination et l’évasion.
A partir de 8 ans
A partir de 8 ans