Ed. Albin Michel, traduit de l'anglais (USA) par Isabelle Reinharez, août 2013, 480 pages, 22.5 euros
Geraldine,
Bazil et leur fils unique Joe forment une famille unie. Joe est ce
qu'on appelle communément "une enfant de vieux", arrivé à un moment où
on ne l'attendait plus vraiment, tellement désiré et trop attendu.
Un dimanche, père et fils s'inquiètent de ne pas voir la mère revenir du
bureau où elle devait récupérer un dossier. Geraldine revient, mais
blessée et visiblement très choquée. A 13 ans, on s'imagine toutes
sortes de choses, mais certainement pas sa propre maman violée et ayant
fui une mort violente.
Pour Joe, le temps de l'innocence a disparu, le temps de la douceur
familiale aussi. Geraldine n'est plus la même, recroquevillée dans son
lit à longueurs de journées:
"Son visage était une tâche pâle dans l'air sombre, et ses traits
étaient barbouillés de lassitude. Elle ne pesait plus rien, n'était plus
que des os saillants."
Bazil, en tant que juge tribal de la réserve, décide de compulser ses
vieux dossiers, certain d'y trouver une piste qui le mènera à
l'agresseur. Joe l'aide, et avec ses amis, mène sa propre enquête sur
les lieux de l'agression.
Très vite, le lecteur apprend l'identité de cette "foutue carcasse", de
"l'homme dont l'acte avait pratiquement détaché l'esprit de [sa] mère de
son corps". Paradoxalement, l'essentiel n'est pas là. En effet,
connaître le violeur ne résout pas tout, car nous sommes sur une réserve
indienne, et les lieux du drame ne sont pas bien définis...
A travers un sinistre fait divers, Louise Erdrich met en lumière toute
la complexité juridique des zones indiennes réservée. De plus, elle
insiste avec tact sur le racisme rampant et fréquent des blancs à
l'égard des indiens qu'ils ne considèrent pas comme leur égal..
Joe se rend compte soudain que le monde est plus violent que prévu. Ses
parents, sa famille aussi, en voulant bien faire, ne l'avaient pas
encore préparer à tant de violence. La nature humaine n'est ni belle, ni
mauvaise; elle est constituée d'un fourmillement d'attitudes et de
décisions paradoxales qui rendent parfois impossible d'établir une
opinion correcte sur une personne.
Au delà du récit, l'auteure nous offre des personnages secondaires hauts
en couleurs tels le prêtre, la grand-mère Ignatia et Mooshum, qui
redonnent des couleurs à l'ensemble du texte.
Dans le silence du vent est un roman très intéressant sur l'innocence
perdue, le statut indien en Amérique, mais très linéaire dans le
traitement de l'intrigue.