vendredi 8 novembre 2024

La recherche de l'harmonie


"Hypothéquer une longue vie au profit des derniers instants. Faire des efforts toute sa vie pour atteindre le bonheur seulement à la fin. Se condamner à une vie malheureuse. Cette idée du bonheur était terrifiante. Une vie de frustration consacrée à un seul but. Alors j'ai changé d'avis. J'allais vivre à la recherche du sentiment du bonheur et non à la recherche du bonheur".
Yeong-Ju a décidé de démissionner de son travail de cadre pour changer de vie ou plutôt se mettre à vivre pleinement sa vie. Pour cela, elle a acheté dans le quartier de Hyunam, dont le préfixe Hyu signifie pause, une petite devanture de commerce dont elle a décidé de faire une librairie. Pourquoi une librairie ? Parce que "Son amour des livres doit être à l'origine de tout ce qu'elle entreprendra". Pourtant, il s'agit d'une tâche ardue pour pouvoir en vivre, mais pour Yeong-Ju, l'essentiel n'est pas là car elle veut en faire un véritable lieu de vie et de rencontres. 
"Yeong-ju pensait que gérer une librairie indépendante de quartier revenait à se frayer son propre chemin. C'était un modèle économique que personne ne savait avec exactitude comment faire fonctionner".
Et pour commencer, elle emploie comme barista le jeune Min-Jun dont la tâche essentielle sera de faire les meilleurs cafés possibles pour les clients.

La quête du bonheur se fait dans l'instant présent et mieux vaut imaginer le futur proche que le futur lointain. Forte de cette méditation, La jeune femme s'applique sur son compte Instagram a mettre en ligne les petits événements de sa librairie. Les visiteurs affluent, des habitués s'ajoutent et c'est toute une petite communauté qui se forme. Entre Ming Cheol l'adolescent rebelle qui rejette la lecture, Jeong-Seo qui tricote des éponges pour méditer ou encore Jimi la torréfactrice qui voue un culte aux grains de café, Yeong-Ju trouve son équilibre.

Et puis, un jour, dans le cadre d'une rencontre littéraire, Seung-Woo, passionné par la langue coréenne à qui il consacre ses heures perdues, commence à s'intéresser à la propriétaire de la librairie. Seulement, la jeune femme est-elle prête à ouvrir son cœur, elle qui se croyait tellement invisible aux yeux des autres ? 
"Je n'avais pas le temps de m'attarder auprès des autres. C'était comme ça : j'allais droit devant moi, comme une folle, en faisant claquer mes talons. Et un jour, je me suis arrêtée autour de moi. Personne ne faisait attention à moi. J'étais invisible".
Bienvenue à la librairie Hyunam est une bulle de douceur au cœur d'un quartier dont les habitants ne pensaient pas qu'un tel commerce pouvait subsister. Il suffit d'y croire et ne pas abandonner ses rêves.
"Je veux faire vivre longtemps cette librairie à cheval entre le monde capitaliste et le monde de mes rêves",
se dit Yeong-Ju qui privilégie les silences aux trop longues palabres. Elle a fait le choix de vivre et non de privilégier le travail à la vie.
"Je voyais le travail comme un escalier, un escalier à gravir pour atteindre le sommet. Alors que le travail est comme un repas. Un repas que l'on prend tous les jours. Un repas qui nourrit le corps, l'esprit, l'âme".
L'essentiel est de mener une vie acceptable, entouré de ceux qu'on apprécie et surtout entouré de livres qui nous touchent et non de livres "commerciaux". En cela, le roman propose une réflexion très intéressante sur les choix faits par les libraires au détriment parfois de la qualité.
La recherche de l'harmonie ne doit pas être mise de côté car la vie est trop courte et trop précieuse. Et ce beau roman coréen en explique les fondamentaux.

A découvrir.


Ed. Philippe Picquier, août 2024, traduit du coréen par Hyonhee Lee et Isabelle Ribadeau Dumas, 354 pages, 22€
Titre original (anglais) Welcome to the Hyunam-dong Bookshop.