"Je ne sais pas comment dorment les oiseaux, ni comment ils meurent.
Si leur vie s'arrête quand les dernières lumières s'éteignent.
si leur vie, comme un courant électrique, continue de couler jusqu'à l'aube".
"Je ne sais pas quand mes cauchemars m'ont quittée. Je ne sais pas si je les ai vaincus ou s'ils sont partis d'eux-mêmes après m'avoir écrasée et broyée. Seulement, depuis un certain temps, la neige tombe à l'intérieur de mes paupières. Elle descend, s'entasse et gèle".
"Léger, comme la neige, dit-on. Mais la neige a un poids, autant que cette gouttelette.Léger, comme un oiseau, dit-on. Mais eux aussi ont un poids".
Plus la vérité refait surface ainsi que le traumatisme de cette page sombre de l'histoire coréenne, plus la réalité extérieure s'estompe, comme si la neige devenait une frontière de moins en moins étanche entre les deux mondes.
"J'ai l'impression que des flocons invisibles flottent entre nous. Que les mots que nous ravalons viennent se fixer sur l'assemblage des cristaux".
Dès lors, le lecteur découvre des passages remarquables sur la description des flocons de neige. La narratrice s'en sert comme un refuge pour absorber toute l'horreur de ses découvertes. La douceur du flocon absorbe la peur et la mort.
"Ce flocon n'est pas froid au moment où il se pose. Il touche à peine ma peau. Je ne ressens qu'une infime pression et une grande douceur quand les cristaux de glace se brouillent. La glace se rétracte. La blancheur s'estompe et le flocon se change en eau, qui glisse sur ma main. Comme si la peau avait absorbé cette lumière blanche pour ne laisser que des particules d'eau".
Impossibles adieux est une pépite de la littérature étrangère. Je ne remercierai jamais assez les traducteurs en général et ceux-ci en particulier, sans qui, de si beaux romans resteraient méconnus en France.
Ed. Grasset, août 2023, traduit du coréen par Kyungran Choi & Pierre Bisiou, 336 pages, 22€
Prix Médicis étranger