"Mais ici, à Ravina, tout le monde se connaît. Qui s'en prendrait à l'un de nos enfants"?
Ce village italien abrite la famille de Pasquale Serai, enfant du pays parti de rien, éloigné de sa famille pendant plusieurs années à l'étranger et revenu sur ses terres pour devenir fermier. Avec son épouse Bianca, ils ont eu Lucia, qui maintenant jeune fille a des rêves de gloire et de paillettes, alimentés par les émissions de téléréalité qu'elle dévore quotidiennement et ses sorties avec sa cousine Chiara, quinze ans, à l'unique café du village.
Les Serai se sont occupés pendant de nombreuses années de Sandro, le narrateur de l'histoire. Ce dernier a perdu ses parents dans un accident et a pu compter sur le Vieux et Bianca comme parents de substitution. Lucia était une sœur pour lui. "Était", c'est le temps à employer car Sandro est devenu un paria depuis que la rumeur a fait de lui un homme de mauvaise vie car trop proche du nouveau médecin du village. Ainsi éloigné malgré lui de ceux qu'ils aiment, il est le témoin impuissant du drame qui se noue.
Un jour de fête au village, un drame survient. On constate la disparition de Chiara, puis la découverte de son corps quelques temps après. Très vite, les médias, avec son journaliste en vogue Mino Fiore, font de ce fait divers un feuilleton national. C'est une occasion inespérée pour Lucia qui veut briller...
Les soupçons se portent sur Pasquale dit le Vieux, l'oncle de Chiara. Son côté sombre et bourru alimente les pires rumeurs et il n'a jamais été en bons termes avec sa belle-sœur.
"A cause de ses manières un peu fantasques, certains, à Ravina, le prenaient pour un malade, mais un malade dont on ignorait la maladie, ou pour un homme plus ou moins sain si l'on exceptait un déséquilibre susceptible à tout moment de lui griller la tête".
Or, le mal est un germe qui pousse un peu partout. Sandro en a fait les frais mais il trouve en la personne du procureur en charge de l'affaire une oreille qui l'écoute. Alors Sandro raconte son histoire, le fonctionnement du village, et les silences trop pesants qui sont assénés comme des vérités. Pendant ce temps, les villageois et la famille Serai se déchirent devant les caméras
"La vie est un tribunal permanent. Et le plus rude des procureurs c'est notre imagination, notre capacité à affabuler, à procéder par raccourcis, par supputations".
L'été sans retour est bien un roman au suspens implacable, mais c'est surtout la description de tout une mentalité bien ancrée et qui refuse de changer.
"Cette famille, c'est les ténèbres. Jamais on ne verra la lumière".
dit la mère de la victime. Le roman se propose de décortiquer ce qui a amené à faire de cette famille un clan à part, ravagée par les idées reçues sur le déterminisme social, les rumeurs, et la jalousie. La réputation s'avère finalement être à la fois un bien précieux et fantasque qui devient la justification possible du pire.
Le personnage du Vieux, Pasquale Serai, est le plus intéressant. Il parle peu, mais son comportement et se gestes trahissent un conflit permanent entre ce qu'il pense et ce que sa famille ou les mentalités lui imposent.
"Au fond, qu'est-ce que l'humanité si elle ne s'arrime pas, ne fût-ce qu'une fois, à un acte de liberté"?
Finalement, exprimer la vérité lui permettra de se libérer des chaînes qui l'ont toujours entravé.
Guiseppe Santoliquido a écrit un très bon roman sur le désastre familial, le rôle des médias et leur responsabilité, autour du meurtre d'une gamine de quinze ans.
Ed. Gallimard, collection La Blanche, mai 2021, 272 pages, 20€