"Sous les mots de cette histoire passait un courant froid dans lequel je plongeais sans arrêt mon cœur pour le rafraîchir". (Les tomates et la pleine lune)
Telle est la sensation que pourrait ressentir la lecteur à la lecture de ce recueil de onze nouvelles délicatement liées entre elles par un détail, parfois minuscule, mais dont le sujet commun est manifeste : la mort.
"Un océan de mort s'étalait à mes pieds. Un océan écrasant qui n'était ni liquide, ni paysage, ni souvenir, ni mots. Nulle part il n'y avait de chemin pour le traverser, on n'y voyait aucun petit oiseau s'y reposer, seules les vagues noires arrivaient sans relâche de l'extrémité de l'infini". (Un après-midi à la pâtisserie)
Qu'elle soit étrange, violente, crue, ou racontée, la mort hante ceux qui l'ont approchée de près. Elle interpelle, donne du fil à retordre à ceux qui veulent la provoquer, ou un immense chagrin à ceux à qui on enlève un être cher. Chacun a un regard différent et une relation intimiste avec celle-ci. C'est ce prisme que développe Yoko Ogawa dans chacune de ses nouvelles. L'intime est poussé dans ses retranchements si bien qu'on frôle parfois le glauque sans jamais l'atteindre.
La mort est l'ennemi qu'on n'arrive jamais à battre. Celui qui s'évertue à vouloir l'affronter s'enfonce alors dans de tristes revanches. C'est pourquoi il vaut mieux la démystifier, l'incorporer au quotidien pour la dresser. C'est peut-être la raison pour laquelle chacun des titres des nouvelles se révèle aux antipodes des leur contenu.
Yoko Ogawa est une autrice nippone majeure. Ses nouvelles sont des bijoux à explorer, à interpréter, à confronter avec d'autres.
Ed. Actes Sud, collection Babel, octobre 2008, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, 244 pages, 7.70€
Titre original : Kamokuna Shigai, Midarana Tomurai