Isabel et Martin ont choisi le jour des morts pour célébrer leur mariage. Leurs parents ont migré aux Etats-Unis pour avoir un avenir meilleur et ils le leur rendent bien même si un sujet reste tabou dans la famille, Omar, le père de Martin. Justement ce dernier, le jour des noces, leur rend visite dans la voiture. Fantôme conscient, il va prendre cette habitude de venir dialoguer avec Isabel, une fois par an. Lui vient pour expliquer ce qui s'est passé et pourquoi sa famille semble vouloir à tout prix l'oublier, elle, trouve une oreille pour raconter les aléas de son mariage.
"La plupart du temps, je considère Martin comme une extension de moi-même. Certes, je schématise :mais au quotidien, quand je nous envisage comme un tout, je trouve que nous formons vraiment un front uni".
Parce que même si le couple semble fait pour s'entendre, les tensions s'accumulent depuis qu'ils ont recueilli Eduardo, petit cousin de Martin, parti seul depuis le Mexique, et orphelin depuis peu. L'arrivée de l'adolescent ravive les souvenirs. Elda, la veuve d'Omar et mère de Martin, "d'une dignité à la fois puissante et apaisante", s'ouvre peu à peu pour expliquer son parcours. peut-être avec le temps, réussira-t-elle enfin à revoir l'ombre de son époux.
C'était le jour des morts est un roman étrange à cause de l'angle d'approche utilisé par l'autrice. Les vingt premières pages baignent en plein fantastique et les personnages ne semblent en rien bouleversés par leur rencontre paranormale. Tout au long de l'intrigue, les apparitions du défunt arrivent comme si c'était une chose tout à fait normale et attendue.
D'un point de vue sociétal, le roman apporte quelques éléments intéressants: les conditions de passage du Mexique aux Etats-Unis, la survie et la difficulté au quotidien sans papiers, enfin le lourd passé qu'on ne veut pas transmettre à ses enfants et ses petits-enfants.
L'autrice utilise allégrement les allers-retours dans le passé pour étoffer son récit. On comprend mieux alors les silences gênés, les colères du fils, les soupirs de Elda quand le nom d'Omar est prononcé. Il n'empêche, le personnage d'Isabel n'arrive pas à prendre son envol et sa capacité à accueillir différents événements dans sa vie avec le même calme tend à rendre le roman "ronronnant".
"Tout ici était neuf, propre, mieux. Mais certains jours, il lui semblait avoir échangé sa vie contre celle d'un autre et s'être fait avoir".
Cette phrase attribuée à la vie d'Elda lors de son arrivée aux Etats-Unis pourrait être utilisée pour Isabel. Elle est là, mais elle reste transparente.
C'était le jour des morts se lit agréablement. Le récit est bien ficelé, la narration servie par une traduction correcte ne souffre par de lourdeurs. Ce roman ravira les lecteurs friands d'histoires familiales douloureuses mais avec un bel épilogue.
Ed. de L'Aube, janvier 2021, traduit de l'anglais (USA) par Benoite Dauvergne, 492 pages, 24€