Mary et Eden étaient deux jeunes adultes qui fuyaient le cocon familial quand ils se sont rencontré, et ces forces de fuite ont été un entremetteur efficace au point qu'ils sont devenus inséparables. Seules l'armée et la guerre pouvaient séparer ces deux tourtereaux...
Maintenant, après la seconde mission de BASEJump - le surnom d'Eden - en Irak, les voilà à nouveau réunis, mais Eden, grand brûlé, gît sur un lit d'hôpital.
"Mary ne le laisserait jamais. Bientôt Eden devint comme un appendice de son propre corps, un appendice dont elle était le porte-parole (...) Le corps d'Eden devint le sien, et elle y avait jeté l'ancre".
La vie de la jeune femme est désormais rythmée entre ses visites à l'hôpital auprès d'un époux en état végétatif et leur petite fille, Andy. Pourtant Eden avait promis de ne plus repartir si Mary tombait enceinte, or, même l'arrivée du bébé n'a rien pu changer ; l'attrait de l'aventure et du devoir ont été les plus forts.
"Peu importait combien de temps il resterait en vie. Car à la fin, ce serait toujours la guerre qui le tuerait".
Le jour de Noël, Mary consent à accompagner sa mère à l'église. Elle se libère et fait le point sur sa nouvelle vie. Elle est fatiguée, au bout du rouleau, et ne sait plus si elle pourra supporter encore longtemps le tableau de son époux décharné.
"Il restait tellement peu de choses en lui, et moins il en restait, plus elle s'y accrochait avec acharnement". (...)
"Mary pensait à son époux, et au mot 'imminent', et peut-être quand ce serait fini, quand il ne serait plus là, les choses pourraient s'amélioraient pour elle et la fillette.
Elles recommenceraient, et ce serait une bonne chose".
Au même moment, Eden fait un AVC.
"Eden se réveilla et puis il s'éveilla. Après son AVC, tout s'était réorganisé. Certaines choses avaient disparu, mais d'autres avaient été ajoutées".
Désormais, Eden, par tous les moyens, va tenter de se faire comprendre. Entre les souvenirs diffus, les bruits ambiants, les ombres, c'est le mot FIN qui domine. Seulement, Mary n'est pas prête à laisser son compagnon cheminer vers le paradis blanc où l'attend déjà son meilleur ami.
En attendant Eden conduit le lecteur vers une issue qu'on n'attend pas. Le narrateur omniscient est l'âme du meilleur ami d'Eden qui attend patiemment que ce dernier vienne le rejoindre. Il voit tout, entend tout, mais il ne juge pas. La guerre les a tous touchés et les dommages collatéraux sont terribles. L'auteur n'est pas en terrain inconnu. Elliot Ackerman est lui-même un vétéran de l'armée américaine, décoré de la Purple Heart. C'est donc avec une narration remplie d'empathie et de justesse qu'il raconte l'histoire de ce couple liée à la vie à la mort.
"Ils versèrent quelques larmes naturelles, qu'ils essuyèrent bientôt.
Le monde entier était là devant eux, où ils pouvaient choisir
Leur lieu de repos, avec la Providence pour guide.
Main dans la main, à pas errants et lents,
Ils suivirent en Eden leur chemin solitaire".
JOHN MILTON, Paradis Perdu
Ed. Gallmeister, collection Americana, avril 2019, traduit de l'anglais (USA) par Jacques Mailhos, 159 pages, 20.60€
Titre original : Waiting for Eden