jeudi 12 novembre 2020

Expérience littéraire inédite




Mais qui est donc Tomoé, cette jeune fille qui hante désormais la vie d'Otsuki ? Pourtant, avant de visionner cet étrange film pornographique où elle y apparaît, Otsuki, qui se considère lui-même comme un parasite professionnel, menait une vie bien réglée en vivant aux crochets de sa dernière maîtresse en date. Seulement, depuis qu'il a décroché des stupéfiants, il trouve que son existence manque de piments. Alors, lorsqu'il croise un ancien camarade de lycée qui lui propose de le mettre en contact avec un homme influent, Otsuki accepte sans présager que cette rencontre va le faire sombrer dans la folie.

"Ce que je ressentais maintenant c'est qu'il n'y aurait rien eu d'étrange à ce que moi-même - comme si j'étais métamorphosé en ce carrefour des six voies où des démons souillés allaient et venaient - je joue dans ce film".

La folie est sûrement le principal thème de ce roman étrange qui prend la liberté de devenir confus dans la seconde moitié de la narration pour mieux imprégner le lecteur de ce qui se joue dans l'esprit du narrateur. On est loin cependant du climat qu'on peut retrouver dans la littérature de Murakami (comme cela est suggéré dans la quatrième de couverture). Hisaki Matsuura a la volonté de plonger ses personnages dans un monde délibérément glauque où le temps ne s'écoule pas de la même façon et dans lequel ceux qui y gravitent mettent au grand jour leurs perversions.

"Que ce soit un présent du passé ou de l'avenir n'est pas le problème. Car passé et avenir sont la même chose. Nous tournons sur nous-mêmes et glissons à l'intérieur d'un présent différent".

Le calligraphe, un certain Kôyama, est au centre du récit. Il se présente comme le grand-père de Tomoé et le metteur en scène du film expérimental pornographique. Au fil des pages, il s'avère surtout être un expert dans l'art de la manipulation en faisant un parallèle entre la calligraphie et la célébration du corps, espérant que Otsuki soit celui qui élucide et filme la suite de l'énigme qui a filmée...

Le calligraphe est un roman bien étrange, énigmatique, dont le style colle au plus près avec l'intention de l'auteur : plonger le lecteur dans un cauchemar éveillé, labyrinthique qui suscite à la fois dégoût et attraction malsaine. Une expérience littéraire à découvrir.


 Ed. Rivages, collection Noir, octobre 2020, traduit du japonais par Sylvain Chupin, 347 pages, 21€

Titre original : Tomoe