mercredi 16 octobre 2019

La Dissonante, Clément Rossi

La vie de Tristan est réglée comme du papier à musique. Et en tant que chef d'orchestre, il faut que tout soit mené à la baguette. Jusqu'au jour où son oreille lui joue des tours...


Ni sa vie amoureuse, ni sa vie familiale n'ont eu le dessus sur sa conception de la vie. Tristan l'a construit autour et pour la musique, persuadé très tôt qu'il avait été choisi.
"D'ailleurs, on ne dit pas soi-même qu'on a un don. On m'aurait pris pour le roi des prétentieux si j'avais crié sur les toits que j'étais promis à mieux, que j'aurais du diriger les meilleurs orchestres, les meilleurs solistes dans les meilleures salles devant les meilleures audiences. On se serait indigné, on m'aurait taxé d'élitisme".
A soixante ans, force est de constater qu'il n'a pas eu la carrière dont il rêvait et qu'il méritait. Chef d'orchestre en Province, il accepte de diriger l'opéra Tristan et Isolde de Wagner même s'il déteste le compositeur. Mais quand on est un génie, aucune musique ne peut résister, et ce n'est ni la famille - en l’occurrence sa sœur - ni sa petite amie bien plus jeune que lui qui pourront le contredire.

Car Tristan est un égoïste. A part son art, rien n'existe. Alors même que sa compagne tente de préparer leur mariage ou que sa sœur désire le voir pour régler un problème de notaire, il joue aux abonnés absents.
"Parmi ses semblables, Tristan n'était qu'une absence. Absence de voix, absence de gestes, d'intérêt".
Seulement, notre chef d'orchestre est angoissé depuis quelques jours. La musique n'est plus si harmonieuse, son oreille interne lui joue des tours. Une dissonance musicale s'est installée, accompagnée d'acouphènes.
"J'ai eu soudain l'impression que mes oreilles n'étaient pas plus résistantes que deux structures de cristal que tout pouvait suffire à briser et l'inquiétude, en moi, a remplacé la colère".
 "Bien sûr, c'était toujours là : un frottement harmonique absolument anormal, une mésentente entre des notes qui auraient dû s'entendre. Une fausseté, tout simplement".
A ce constat, viennent s'ajouter une foule de petites contrariétés qui déséquilibre l'harmonie de sa petite vie. Tristan est assailli de toute part et ne sait pas comment revenir en arrière.

La Dissonante est un premier roman à l'idée originale qui brosse le portrait d'un homme imbu de sa personne, réfugié derrière son statut de chef d'orchestre et persuadé de son génie, qui perd pied lorsque la dysharmonie musicale se met en place. Ces mauvaises notes qui lui vrillent les oreilles ne seraient-elles pas l'écho des ratés de sa vie ?
En voulant donner une dimension chorale au roman, Clément Rossi se perd un peu dans la trame narrative. Néanmoins, il ne perd pas le fil d'Ariane et réussit à donner du crédit à son intrigue. Ainsi La Dissonante se lit facilement, avec plaisir, et apporte une nouvelle signature à la collection SYGNE.

Ed. Gallimard, collection SYGNE, octobre 2019, 240 pages, 18€