jeudi 22 novembre 2018

Eclipses japonaises, Eric Faye

Elles étaient adolescentes et avaient la vie devant elles. Naoko et Setsuko, jeunes japonaises ont été enlevées dans l'adolescence pour se retrouver en Corée du Nord où une nouvelle vie commence pour elles.


La Corée du Nord n'est pas si loin, de l'autre côté de la mer se disaient-elles quand les informations relataient la dictature qui sévissait la-bas, "de l'autre côté de cet énorme glacis maritime". Elles étaient loin d'imaginer que ce pays allait être le leur d'adoption non par choix mais par obligation, devenues un des engrenages d'un projet plus vaste dont elles ne conçoivent même pas les aboutissants.

Il a d'abord fallu désapprendre leur langue pour en apprendre une nouvelle. Surveillées de près par leur instructrice qui les forme et vit avec elles, Naoko et Setsuko gardent leur langue maternelle dans leur cœur pour ne pas s'attirer les foudres de celles qui décident pour eux. Alors quand elles se rencontrent et se lient d'amitié, c'est en coréen qu'elles échangent et évitent sciemment d'évoquer leur passé.
"Nous vivions dans une fiction.S'appeler par des noms de scène, ignorer comment l'autre s'était retrouvée là. Tout n'était que supputations, hypothèses jamais recoupées".

Alors que l'une devient un agent secret, l'autre est mariée avec un américain résident forcé depuis des dizaines d'années. Lui aussi est une ombre ; il a un jour traversé la frontière qui se trouvait de l'autre côté de son camp, et s'est fait prendre par les gardes nord-coréens. Depuis avec d'autres comme lui, pour avoir la vie sauve, il a construit un semblant de nouvelle vie dans ce pays qui est à l'opposé de celui de l'oncle Sam.

Les années passent, les langues se délient. Même si la dictature est encore debout, elle a besoin des autres pays pour garantir la survie économique de ses concitoyens. C'est alors que les "enlevées" deviennent des monnaies d'échange avec un éventuel retour possible au Japon. Tous ces "fantômes" qui avaient appris à survivre dans l'isolement et la propagande, vont retrouver la liberté. Mais tellement de temps a passé...

Ed. Points Seuil, septembre 2017, 240 pages, 7€