Le titre en lui-même est déjà une provocation faite au lecteur. La famille idéale n'existe pas, chacune est bancale a sa manière, essayant d'assumer tant bien que mal ses névroses.
Justement, chez les Drummond, cela fait longtemps que les excès de chaque membre de la famille sont vécus au grand jour. Janet et Ted, maintenant séparés, ont eu trois enfants : Wade, un escroc patenté et un dragueur compulsif, Bryan, un dépressif depuis le plus jeune âge, et enfin Sarah, le petit génie de la famille qui s'apprête à partir dans l'espace pendant quelques mois.C'est à l'occasion du décollage de la fusée qui doit emmener Sarah que la famille se retrouve et doit mettre, le temps du départ, toutes ses rancœurs et ses problèmes de côté. Sauf que dans le monde de Douglas Coupland rien ne se passe comme prévu et les travers de chacun vont être mis à large contribution.
Sur fond d'escroquerie sur une prétendue lettre royale, Wade va emmener toute sa famille dans un road movie délirant où chacun va en profiter pour régler ses comptes, tandis que Janet tente tant bien que mal de calmer les siens alors qu'elle lutte elle-même contre le sida. Un maître mot transparaît alors : vivre l'instant présent à fond, ne plus faire de sa vie "un gribouillis informe", mais une ligne droite qui a du sens.
"Tu vois, le plus grand changement, c'est que j'ai cessé de croire en l'avenir. En fait je ne pense plus à l'avenir comme à un lieu, comme Paris ou l'Australie. Un endroit où on puisse aller. J'ai commencé à me dire que nous ne faisions tous qu'avancer, sans cesse, mais qu'il n'y avait pas de ville ou d'espace précis au bout. Nous avançons. Voilà tout". (Janet)
L'auteur fait le choix de la comédie pour décrire et dénoncer les travers de la société américaine. A travers le prisme d'une famille haute en couleurs, c'est plusieurs générations en prise avec ce qui ne fonctionne pas dans le monde dans lequel ils évoluent.
Certes, le rythme endiablé et la volonté flagrante d'en rajouter risque de perturber le lecteur à la recherche d'une lecture plus posée. Pourtant, le procédé fonctionne. Malgré quelques exagérations qui frisent avec le burlesque, on suit les aventures de la famille Drummond avec un plaisir réel. Et si on y regarde de plus près, on se rend compte qu'ils ne sont pas si névrosés que ça.
Ed.10/18, juin 2018, traduit de l'anglais (Canada) par Maryvonne Ssossé, 432 pages, 8.30€
Titre original : All families are psychotic