mercredi 30 août 2017

L'Embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard, Isabelle Duquesnoy

Ed. de La Martinière, août 2017, 528 pages, 20.90 €

Les amateurs de romans historiques ne seront pas en reste ! Isabelle Duquesnoy plante son intrigue au temps de la Révolution française dans un Paris aux relents moyenâgeux.


Victor Renard est condamné à mort, le lecteur l'apprend à la première page. Mais, avant de mourir, il désire raconter à ses geôliers et à ceux qui voient en lui un monstre pour quelles raisons il en est arrivé là. Car Victor Renard, avant d'être un maître embaumeur renommé et riche a eu une enfance difficile en grandissant auprès d'une mère qui le détestait plus que tout.
"Ma simple respiration constituait à ses yeux une profanation, ma survie une perpétuelle attaque, un outrage qu'elle ne pouvait endurer. Je le sais parce qu'elle me l'avait craché à la face : son éblouissante carrière d'actrice avait été brusquement interrompue par l'augure de ma naissance".

Ecrit sous la forme d'une confession orale à la première personne, le lecteur n'a qu'un seul point de vue et c'est celui d'un homme au pied de l'échafaud. Cependant, Renard n'a plus rien à perdre et a accepté sa condamnation, c'est pourquoi il fait le vœu pieux que son histoire soit la plus précise possible. Malgré le rejet des parents, il est un des rares enfants de la génération de la Révolution Française à avoir eu une instruction. Savoir lire et écrire à une période où l'écrasante majorité de la population française signait en faisant une croix était un atout non négligeable. Pressée de se débarrasser d'un enfant pour qui elle n'a jamais eu de tendresse et qu'elle croit responsable du décès du jumeau de Victor à la naissance, sa mère Pâqueline lui trouve une place auprès d'un embaumeur réputé de Paris, maître Joulia, médecin des morts, qui va lui apprendre tous les secrets de sa mystérieuse pratique. 
"On fuira votre compagnie par superstition mais on la recherchera aussi, puisque le mystère et le secret excitent les cervelles. Nous devons avoir un esprit scientifique, mais une âme de poète, respectueux du sacré. Il faudra résister à l’écœurement, ne jamais montrer de révolte ni de sentiment. La mort ne règle pas son horloge sur nos plaisirs".
Auprès de lui, Victor renaît car le vieil homme lui accorde de l'attention voire même une certaine affection, deux choses qui lui ont terriblement manqué. Apprendre un métier, même si ce dernier se pratique auprès des morts, lui permet d'envisager un avenir meilleur, et pourquoi pas auprès de celle qu'il aime depuis toujours, la jeune Angélique.
Sauf qu'Angélique est une prostituée qui se prend pour une gamine de bonne famille. Elle a des exigences, et adore faire tourner la tête à celui qui a du mal à la bouger, puisque Victor est né avec un torticolis congénital...
Quand il reprend les affaires de Joulia, Victor se résout à épouser la sage Judith, imperméable aux méchancetés de Pâqueline, auprès de qui il va goûter aux joies de la richesse,et agrandir une bien mystérieuse collection, sans toutefois oublier son premier amour.
Humain, honnête en affaires puis respecté, Victor Renard reste une énigme pour beaucoup de monde. Comment un tel homme, qui a réussi à force de courage et de pugnacité, se retrouve aujourd'hui à devoir confesser son crime ?

L'Embaumeur est le fruit d'un travail de dix ans, car Isabelle Duquesnoy, restauratrice d’œuvres d'art de profession, a voulu écrire un roman précis et vraisemblable qui plonge le lecteur à Paris dans les années 1790. Ainsi, on est dans la foule qui assiste à la mort de Louis XVI, on observe la Seine qui charrie ses cadavres quotidiens, on parcourt le jardin des Tuileries, on danse lors des bals improvisés, on apprend les secrets des embaumeurs et de leurs trafics avec les peintres renommés de l'époque. On retrouve parfois l'ambiance du Parfum de Süskind, même si Victor Renard n'est pas Grenouille. La confession de Renard nous entraîne dans les rues de Paris, nous enseigne les mœurs de l'époque, et se veut précis dans le vocabulaire et les expressions choisies. Certes, l'obsession morbide est omniprésente mais elle s'intègre subtilement dans l'intrigue et ne gâche pas ce très bon roman de la rentrée littéraire.