Titre original : Nutshell
Ecrit entièrement à la première personne, ce roman doit son originalité au fait que le narrateur est un enfant sur le point de naître. In utero, il entend et comprend que sa mère est sur le point de commettre un acte criminel.
John et Trudy sont sur le point d'être parents, ce n'est plus qu'une question de jours. Sauf que leur amour n'est plus qu'une histoire ancienne, enfin si on se place du côté de la jeune femme.
Pourtant, il fut un temps où John, éditeur de poésie fauché, avait illuminé Trudy et incarnait tout ce qu'elle recherchait chez un homme : la profondeur d'esprit plutôt que le paraître. Certes, le couple avait hérité d'une bien belle maison située dans un quartier cossu de Londres, mais à la limite de l'insalubrité. Peu à peu, les considérations matérielles ont pris le dessus et Trudy s'est de moins en moins vu vivre dans le dépouillement.
La grossesse n'a pas arrangé les choses, et alors que le bébé est sur le point de naître, la vie amoureuse de Trudy a "quelque peu changé".
Le bébé a bien senti que sa mère n'est plus comme avant. In utero, le train le train quotidien a fait place à la fébrilité : poul qui s'accélère, vie sexuelle beaucoup plus active, et puis Trudy boit plus, comme si elle voulait oublier ce qui se trame. Car bébé entend une autre voix masculine dans l'entourage de sa mère, et ce n'est pas celle de John, son père. De plus, ce qu'il entend ne présage rien de bon : c'est le calme avant la tempête. Mais à qui appartient donc cette voix ?
"Je suis immergé dans des abstractions, et seules leurs relations proliférantes créent l'illusion d'un monde connu".
A partir de là, le roman prend une autre tournure. Ian McEwan s'inspire librement d'Hamlet de Shakespeare pour construire son intrigue. En effet, bébé comprend vite que le nouvel amour de Trudy est Claude, le frère de John, son oncle ! Claude est l'antithèse de son frère, ayant mis le paraître et l'argent au cœur de ses préoccupations.
Le couple convoite la maison qui, une fois revendue, leur permettra d'avoir un beau paquet d'argent. Et comment nuire à John ? En le tuant avec du poison et en maquillant le meurtre en suicide.
"Et Claude, tel un corps flottant, est à peine réel. Pas même un intrigant pittoresque, nulle trace de l'escroc sympathique. Il brille plutôt par sa médiocrité, sa fadeur dépasse l'imagination, sa banalité est aussi raffinée que les arabesques de la Mosquée bleue".
Le couple convoite la maison qui, une fois revendue, leur permettra d'avoir un beau paquet d'argent. Et comment nuire à John ? En le tuant avec du poison et en maquillant le meurtre en suicide.
Or, bébé n'est pas bête : il a compris que son existence - alors qu'il n'est pas encore né - dépend de la survie de son père. Il ne veut pas naître dans une cellule de prison ou être confié à l'assistance publique comme en parle le couple. John est le garant de son avenir ; si ce dernier meurt, que deviendra-t-il ?
Forcément, quand on est coincé dans le ventre de sa mère, rien n'est simple. Le narrateur n'est qu'une conscience qui va, même si sa volonté est souvent ralentie par l’alcool qui circule dans son cordon ombilical. Il faudrait qu'il naisse avant que le plan de Trudy et Claude soit mis à exécution, mais les heures sont comptées...
"Là où je suis, je rêve de ce à quoi j'ai droit : la sécurité, une paix insouciante, l'absence de corvées, de crimes ou de remords. Je pense à ce qui m'était dû pendant mon confinement (...) Là ou je suis, on me doit le privilège et le luxe de la solitude. Je parle en tant qu'innocent, mais j'imagine un orgasme éternellement prolongé - le voilà, l'ennui, au royaume du sublime".
Bref roman d'une grande intensité, Dans une coquille de noix prouve la force de la littérature qui permet tout le champ des possibles en imposant comme narrateur un bébé in utero. La trame, librement inspirée d'Hamlet, fait la part belle au mensonge et à la vengeance. Simplement, là, le fils n'est pas fou ou ne joue pas au fou ; le seul inconvénient est qu'il n'est pas encore né.
Constamment en décalage entre le ressenti et le vécu, le récit se construit en partie sur l'imagination du narrateur et sa capacité "à se monter des films". Dans le corps de sa mère, il entend certes, mais ne voit rien de ce qui se joue devant lui.
Ian McEwan s'amuse et le ton frise parfois avec celui de la comédie.