"La fiction devient son refuge, la vie elle-même une toile de fond" prévient la quatrième de couverture pour résumer la tournure que prend la vie de Jean, un quinquagénaire qui a décidé d'être le spectateur de sa propre vie.
Jean est un acteur de seconde zone qui n'a jamais vraiment crevé l'écran, mais qui a toujours réussi à vivre de son art. Il vit seul à la campagne, dans sa maison isolée, depuis que sa compagne l'a quitté. Bientôt, sa maison sera un lointain souvenir, car au début du roman, il la contemple en train de brûler suite à un incident domestique. Tenter de circonscrire l'incendie ou prévenir les pompiers, à quoi bon ? Cela faisait longtemps que Jean souhaitait tourner la page d'une vie qui ne lui correspond plus. Le feu lui permet enfin de vivre dans l'instant.
"C'est sur la route de la gare que je me suis vu tout à coup comme un homme qui n'a plus de maison. J'ai pensé à contacter mon assurance, c'est-à-dire que j'ai eu une sorte de passage lucide, et puis ça m'a quitté et j'ai envisagé ma vie telle que je l'avais perçue une demi-heure plus tôt, à savoir d'un œil sec, avec devant moi un vide sans contours, au bord de quoi je n'avais nullement le projet de me pencher".
Il rejoint la capitale, décide de vivre à l'hôtel, erre dans les rues et s'interroge sur ses amitiés. Par principe, il ne prend jamais de nouvelles de ceux qu'il considère comme ses amis, et il décide de vivre au jour le jour. Jean est désormais le spectateur privilégié de sa propre vie, comme s'il lisait une fiction qui se déroule devant ses yeux. Décider, agir l'obligeraient à rejoindre ce qu'il a décidé de fuir. Jean est un homme fuyant sur bien des points.
"C'est à ce moment qu'il m'est apparu qu'il s'agissait pour moi, à partir de maintenant, de durer. Et, dans cette perspective, d'accepter les rôles qu'on me proposerait. De ne pas tout reporter sur mon travail, mais de le conserver. Je me montrais prudent. Frileux, en un sens. En même temps, j'étais dans une situation critique. Un pas de plus vers le vide, songeais-je, et j'y tombe vraiment. Or, tomber ce n'tait pas l'idée que je me faisais de la suite. Ce que je voulais, c'était m'organiser".
Au hasard de ses errances quotidiennes, il rencontre France Rivière, une actrice bien plus célèbre que lui, qui lui propose de l'héberger. Jean accepte, Dans cette maison bourgeoise, vit aussi Cyrus, le domestique de France, et il y croise Charles, le fils, tout juste sorti d'un internement psychiatrique.
"France Rivière participait de cette fiction, sans doute, elle m'apporterait un indolore dépaysement, ainsi que le moyen, outre de me loger, d'échapper au vide qui me guettait en me fournissant un cadre, une conversation et, dans le meilleur des cas, l'image prenante, éventuellement apaisée (mais une image torturée m'irait tout aussi bien), d'un destin qui n'était pas le mien".Cet homme intrigue immédiatement notre acteur, de par sa façon d’accepter les événements comme ils viennent.Très vite, il décide de le suivre, car cet homme est une énigme pour lui. Charles ne devient pas une obsession, mais tout juste un sujet qui le raccroche au monde, et il va suivre ses pas jusqu'au Japon...
En lisant La Vie automatique, on pourrait croire que Jean est un blasé. on pourrait dire aussi qu"il vit parce qu'il respire", mais ce serait lui retirer la capacité de raisonnement, ce dont il ne manque pas. En fait, Jean a décidé de vivre dans le renoncement, loin de tout ce qui fait raccrocher l'être humain au monde qui l'entoure. Pas d'attaches, peu de besoins, pas de projets, mais une capacité accrue à l'effacement de soi : le personnage joué prend l'ascendant sur le comédien.
"J'ai remarqué que je me dédoublais, que je me mettais à distance, tout en dialoguant avec moi. Je me suis parlé de loin. En même temps, je sentais un rapprochement possible. Au pis, si je restais dans l'incapacité de me réunir, je me tenais compagnie".Le style de Christian Oster augmente cette impression de distanciation. Peu de dialogues pour privilégier le style indirect, mais une narration à la première personne pour bien signifier que Jean décide des événements auxquels il participe.
La Vie automatique est un constat sur la valeur de l'existence et du sens qu'elle prend lorsqu'on décide tout plaquer. Le roman est emprunt d'une atmosphère désenchantée : même entouré, jean reste seul, inexorablement.
"Ce qui m’inquiétait, ce n'était plus la mort, c'était le chemin qui restait".