Préface de Marie Desplechin.
Edition bilingue. Titre original : Wild Brides
La littérature inspire. Elle est une passerelle, un fil d'Ariane...
La genèse de publier le recueil Mariées Rebelles vient d'une plaisanterie. Alors que les éditeurs de Page à Page, Agnès Mantaux et Jean-François Planche, sortaient d'un rendez-vous déprimant chez leur comptable, il se sont dit en plaisantant que pour publier de la poésie et perdre de l'argent, autant publier celle de Laura Kasiscke.
Pourquoi Laura Kasiscke ? Simplement, parce que cette auteure américaine, très connue chez nous pour son art romanesque, l'est surtout dans son pays pour son talent poétique. Et pourtant, aucun éditeur français jusque là n'avait osé publier ses poèmes. C'est bien connu, la poésie ne se vend pas, mais est-ce un argument quand on aime vraiment la littérature ?
Il a fallu un mail destiné aux éditeurs américains de la poésie de Laura Kasischke pour obtenir le copyright, puis le feu vert pour la traduction et la publication, et enfin, un nom est venu tout naturellement pour la traduction : Céline Leroy, car les éditeurs sont des lecteurs de la traductrice d'Atticus Lish, de Peter Heller, de Don Capenter ou encore Rachel Cusk. De plus, elle a déjà traduit deux romans de l'auteure : La Couronne verte et Rêves de garçons
Seulement traduire de la poésie n'est pas traduire un roman. Dans un texte, la polysémie des mots est limitée, soutenue par la phrase et le contenu, alors que dans un poème cette polysémie explose. C'est comme si c'était un réapprentissage de la langue anglaise, un réapprentissage du métier de traductrice. Les rythmes sont différents et les unités de valeurs ne sont plus les mêmes. C'est un univers mal connu qu'il faut apprivoiser.
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Mariées Rebelles est un recueil de poèmes qui se lit, se relit, se déguste. On le lit par la fin, le milieu ou le début, sans cesse étonné(e) par les images, les métaphores, et le rythme lancinant des vers bousculés par les rejets et contre rejets. Le lecteur de Laura Kasischke retrouvera des thèmes déjà abordés dans ses romans et qui font partie de ses obsessions : la mort, la possibilité des fantômes, la condition de femme mariée au fin fond du Midwest, la sexualité rampante et fantasmée, mais aussi et surtout l'hiver, la neige et les paysages qui s'imprègnent de l'état d'esprit de ceux qui les observent.
La vie humaine peut se résumer en jours de semaine comme celle de Salomon Grundy "né un lundi dans les muqueuses et le sang", et "éviscéré, embaumé, inhumé un samedi" : l'enfance, le mariage, l'adultère, la mort, la maladie. On supporte tout, cherchant les moments où seule avec soi-même on se souviendra des Conseils de marraine :
"Essaye de rester en vie jusqu'à ta mort.
Une nuit tu te retrouveras
à chanter dans ta voiture
dans une rue loin de chez toi
radio allumée, les yeux fatigués".
D'abord perçu comme le seul moyen de fuir la maison de l'enfance,
"Je t'en prie épouse-moi arrache-moi
de cette maison" (A qui de droit)
le mariage devient vite une forme d'aliénation domestique et conjugale. Il n'est pas rare que la femme soit trompée, le mari emporté par Une Ensorceleuse , ou qu'elle rêve d'autre chose, et cet autre chose, comme le souligne Marie Desplechin dans la préface, ne peut être qu'une aventure sentimentale dans lequel le schéma traditionnel bonne mère et bonne épouse est bousculé.
"Ferme-les. Laisse-le
te conduire lentement vers le lit. Non
diras-tu, il fait jour
et mon modeste mari me fait confiance
Fais-moi confiance - c'est
ton moment - celui
dont tu te souviendras". (Paume)
Chez Laura Kasischke la mort est omniprésente ; elle choque car elle est surtout un scandale qu'on n'arrive pas à expliquer. Pour l'amadouer, l'accepter un peu, on parle avec les fantômes, ceux qui sont déjà passés par le tunnel qui nous emmène hors de la vie :
"Elle plonge dans le tunnel. Elle
tourbillonne dans le tunnel
Et je sens le vent, j'imagine
la plage aujourd'hui, je suffoque
dans la fraîcheur". (Cloches de glace)
Il n'est pas rare de croiser le spectre d'un être aimé, de converser avec lui, la nuit, les étoiles brillantes dans le ciel. La mort n'est qu'une étape vers un ailleurs qu'on ne décrit pas mais qui garde une frontière extrêmement tenue avec le monde des vivants.
Laura Kasischke écrit de la poésie pour mettre des mots sur des instants vécus, des impressions fugaces. La sensation est privilégiée, d'où les ruptures de construction qui permettent aussi de réfléchir un instant, reprendre son souffle, ou savourer les mots qu'on vient de lire.
Mariées Rebelles est un recueil en trois parties que résument parfaitement les vers du messager de Médée inscrits en exergue :
"La vie humaine, ce n'est pas d'aujourd'hui
que je la tiens pour une ombre".
La vie humaine peut se résumer en jours de semaine comme celle de Salomon Grundy "né un lundi dans les muqueuses et le sang", et "éviscéré, embaumé, inhumé un samedi" : l'enfance, le mariage, l'adultère, la mort, la maladie. On supporte tout, cherchant les moments où seule avec soi-même on se souviendra des Conseils de marraine :
"Essaye de rester en vie jusqu'à ta mort.
Une nuit tu te retrouveras
Les Vierges, Klimt |
dans une rue loin de chez toi
radio allumée, les yeux fatigués".
D'abord perçu comme le seul moyen de fuir la maison de l'enfance,
"Je t'en prie épouse-moi arrache-moi
de cette maison" (A qui de droit)
le mariage devient vite une forme d'aliénation domestique et conjugale. Il n'est pas rare que la femme soit trompée, le mari emporté par Une Ensorceleuse , ou qu'elle rêve d'autre chose, et cet autre chose, comme le souligne Marie Desplechin dans la préface, ne peut être qu'une aventure sentimentale dans lequel le schéma traditionnel bonne mère et bonne épouse est bousculé.
"Ferme-les. Laisse-le
te conduire lentement vers le lit. Non
diras-tu, il fait jour
et mon modeste mari me fait confiance
Fais-moi confiance - c'est
ton moment - celui
dont tu te souviendras". (Paume)
Chez Laura Kasischke la mort est omniprésente ; elle choque car elle est surtout un scandale qu'on n'arrive pas à expliquer. Pour l'amadouer, l'accepter un peu, on parle avec les fantômes, ceux qui sont déjà passés par le tunnel qui nous emmène hors de la vie :
"Elle plonge dans le tunnel. Elle
tourbillonne dans le tunnel
Et je sens le vent, j'imagine
la plage aujourd'hui, je suffoque
dans la fraîcheur". (Cloches de glace)
Il n'est pas rare de croiser le spectre d'un être aimé, de converser avec lui, la nuit, les étoiles brillantes dans le ciel. La mort n'est qu'une étape vers un ailleurs qu'on ne décrit pas mais qui garde une frontière extrêmement tenue avec le monde des vivants.
Laura Kasischke écrit de la poésie pour mettre des mots sur des instants vécus, des impressions fugaces. La sensation est privilégiée, d'où les ruptures de construction qui permettent aussi de réfléchir un instant, reprendre son souffle, ou savourer les mots qu'on vient de lire.
Mariées Rebelles est un recueil en trois parties que résument parfaitement les vers du messager de Médée inscrits en exergue :
"La vie humaine, ce n'est pas d'aujourd'hui
que je la tiens pour une ombre".