Ohana
C'est l'histoire d'une fugue amoureuse.
Chiyoko, fille de bonne famille, est sur le point de sauter d'un pont car ses parents n'acceptent pas son homosexualité. Elle est sauvée par Izumi, jeune maman en instance de divorce, déjà usée par la vie.
C'est le coup de foudre. Elles décident de vivre ailleurs pour jouir pleinement de leur amour.
"- Ce que tu me proposes, c'est une fugue amoureuse ?
(...)
Le temps où l'amour vous fait accepter l'autre dans son entier est limité.
Mais quelque part au plus profond de moi, cela m'a fait rêver. S'il m'était donné de vivre ainsi, comme je serais heureuse !"
Avec Osuke, le petit garçon d'Izumi, elles s'installent à la campagne, près des champs de rizières, dans un endroit qu'elles surnomment le Machu Picchu, tant il ressemble à la merveille péruvienne. Là, le couple retape une vieille bâtisse, à la fois nid d'amour et chambre d'hôtes pour les voyageurs.
Chiyoko, surnommée Ochoko par Osuke, y met tout son cœur. Elle se souviendra toute sa vie de sa seule et unique expérience hétérosexuelle car, en arrivant au Machu Picchu, elle apprend qu'elle est enceinte. Cette grossesse est pour elle le signe d'un nouveau départ. Avec Izumi, elles forment désormais la famille Takashima, et vont donner un petite sœur, Takara, à Osuke. Chiyoko est sûre, "une famille, ce n'est pas une question de sexe ou d'âge", et pour qu'elle fonctionne, le couple y adopte une Constitution :
"Ne jamais se mentir à soi-même.
Rire à gorge déployée une fois par jour.
Fêter nos joies et pleurer nos chagrins ensemble.
Ne surtout pas se forcer.
Quand ça va mal, hisser le drapeau blanc sans hésiter".
Ito Ogawa raconte ce bonheur simple d'une famille pas comme les autres qui n'aspire qu'à une chose : avoir les mêmes droits que les autres couples. D'abord montrées du doigt ou méprisées, elles sont ensuite acceptées dans leur village. Leur maison d'hôtes qu'elles ont appelée la Maison arc-en-ciel, est le symbole du respect et de la fraternité entre les personnes. Et ce n'est pas pour rien que le drapeau arc-en-ciel est hissé devant la bâtisse...
"Le drapeau arc-en-ciel de la famille Takashima, cinglé par le vent, claquait puissamment comme un oiseau qui bat des ailes. Si jamais les gens du village en comprenaient la signification, que ferions-nous ? Au début, j'avais hésité, mais maintenant, ce claquement m'encourageait. Ce drapeau arc-en-ciel, c'était la voix muette de notre famille".
La choralité du roman permet au lecteur d'avoir une vision d'ensemble de la famille Takashima. Ainsi, les enfants expliquent comment il se sont rendus compte que leurs parents n'étaient pas "comme les autres", et comment il se situent par rapport à cette situation. Et l'amour n'est jamais loin :
"De ma place, je ne distinguais toujours pas leurs silhouettes. Mais il me semblait voir le visage souriant de mes deux mères, amoureusement serrées l'une contre l'autre, en train de contempler l'arc de lune.
Celui qui voit un arc-en-ciel la nuit sera heureux toute sa vie.
Si la personne qu'il aime se trouve à ses côtés, tous deux seront unis pour l'éternité.
C'est ce qui était écrit dans un livre que j'avais lu au Japon, avant le départ.
Qu'elles soient heureuses ! Qu'elles soient heureuses à tout jamais.
Ma prière, sous la forme de minuscules gouttelettes d'eau, retombait sur la terre".
Du côté du couple, alors qu'Izumi est discrète, Ochoko témoigne d'une hargne incroyable pour que son amour soit accepté au grand jour. D'autant plus qu'une terrible nouvelle bouscule leur quotidien jusque là harmonieux...
Ode à la différence, Ito Ogawa présente l'histoire d'un couple homosexuel ou plutôt décrit la vie d'une famille aimante tout simplement. En filigrane, les contrariétés administratives et sociales ne sont jamais loin, comme pour souligner la difficulté persistante d'exister socialement et aux yeux de la loi lorsqu'on est différents.
Le Jardin arc-en-ciel est un havre de paix, une pépite de bonheur que même les écueils de la vie n'arrivera pas à entacher. Ce roman vous arrachera des larmes à la fin tant il est une très belle leçon de vie et de tolérance.
"Une famille n'en est pas une dès le départ, elle le devient avec le temps, jour après jour, à force de rires, de colères et de pleurs. Du coup, si on néglige cet effort, malgré les liens du sang, la famille se disloque, se désintègre".