Préface de Zoé Valdès
Titre original : El niño que robó el caballo de Atila
Regards croisés
Un livre, deux lectures. En collaboration avec Christine Bini
Deux frères, le Grand et le Petit, se retrouvent au fond d'un puits, en pleine forêt. On se doute que quelqu'un les y a jetés, d'ailleurs, parfois, son ombre se profile au bord du trou, mais on ne sait pas qui et pourquoi. D'ailleurs, ce roman doit être lu comme une parabole car on est au-delà de l'histoire de deux enfants abandonnés qui tentent de trouver les ressources mentales et physiques nécessaires pour survivre.
Oui, on est en plein milieu d'une parabole, celle qui explique qu'il faut d'abord être détruit pour mieux se reconstruire. Seulement, on est aussi dans la vengeance, puisque le Grand rêve de couper la tête à celle qui les a mis là. Elle ? La mère ? Celle qui a un sourire doux et qui a envoyé ses enfants lui chercher du pain et des fruits ? Justement, les victuailles sont dans un coin du puits et pourrissent tranquillement. Y toucher se serait renoncer à la vengeance, se serait aussi se raccrocher à la civilisation, au quotidien.
"- Le sac n'est pas la bonne solution. Si tu en reparles encore une seule fois, je t'enfonce la tête dans la terre et je te tue".
Dans le sac, il y a une miche de pain, des tomates séchées, des figues et un morceau de fromage.
Le Petit ne prononcera plus jamais le mot qui commence par S."
Il faut être détruit pour se reconstruire.
Il faut survivre avec la rage au ventre pour renaître.
"Nous avons besoin d'elle, de cette rage effrénée qui ne laisse aucun répit. Tes muscles s'agitent, toute ta peau papillonne, tu noircis de l'intérieur tandis qu'à l'extérieur ton corps rougeoie : elle fera de toi un homme meurtri à la quête désespérée de sa place dans le monde".
Le décor est minimaliste, le grand et le Petit se heurtent et s'aiment à la fois, les phrases, tout comme les chapitres, sont courts et puissants. Peu à peu, la pression monte. Comment ce texte peut-il se terminer ?
"Dans les yeux ténébreux de son frère, le Petit semble enveloppé dans un suaire noir, les traits indistincts comme un gribouillis d'enfant préhistorique. Il le soulève et le berce au rythme d'un bateau à la dérive. Une voix vieille de cent générations les fait frissonner".
Le Puits n'est pas un livre comme les autres. Il est court, puissant, malsain, et paradoxalement, salvateur. Il faut le lire avec du recul, le prendre au second degré, car l'attaquer de front en prenant l'histoire comme elle est, c'est à dire l'agonie de deux êtres au fond d'un trou qui cherchent simplement à rejoindre la margelle, serait un contre sens total.
Finalement, les loups ne sont pas ceux que l'on croit.
Lire l'article de Christine Bini