vendredi 8 mai 2015

FRAGMENTS DE BD (12) ZOMBILLENIUM, Arthur de Pins

Ed. Dupuis, 2010-2013, trilogie, BD genre fantastique

tome 1: Gretchen

tome 2: Ressources humaines

tome 3: Control Freak

 "L'Enfer n'a jamais été aussi fun!"

Dans le Nord de la France, près de Valenciennes, se dresse, au milieu de terrains vagues, un immense parc d'attractions, au nom étrange Zombillenium. A l'intérieur, la thématique est simple: faire peur. Pour cela, les employés sont déguisés, les attractions exploitent vos cauchemars les plus profonds, et les snacks proposent des menus horrifiants.En y regardant de plus près, on s'aperçoit vite que les salariés n'utilisent pas de déguisements. Leur particularité est d'être tous morts à un moment ou à un autre de l'Histoire de l'Humanité, et d'avoir signé un contrat avec l'entreprise. A la signature, ils deviennent corvéables à merci, et si une rupture se fait, ils repartent au niveau -9, aux Enfers tout simplement.

Cette charmante masse salariale de plus de 70 000 personnes est dirigée par un vampire au grand cœur (si, si c'est possible) Francis Von Bloodt, qui veille au bien être de tous. Seulement, comme tous les parcs d'attractions, Zombillenium doit faire du chiffre, et c'est loin d'être le cas.
Heureusement, depuis quelques temps, une nouvelle recrue fort prometteuse est arrivée. Aurélien Zahner, charmant jeune homme renversé par une voiture, est devenu un démon ailé, très puissant capable de grossir à vue d’œil. Il devient très vite le centre d'attention des visiteurs. Mais, Aurélien a le blues. Il se pose trop de questions sur son nouveau statut de mort-vivant, même si Gretchen, la sorcière au balai est là pour lui remonter le moral.

Justement Gretchen est un peu le personnage central de la trilogie. Avec son humour décalé et son
flegme à toute épreuve, elle répare à longueurs de journées les gaffes de ses congénères. Issue des amours de sa mère avec Robert Smith ou, plus probable, conçue après un trip d'avoir écouté en boucle la chanson Number 9 des Beatles à l'envers, Gretchen est un personnage clé, employée à Zombillenium pour une raison encore un peu floue, mais qui sauve les intérêts à chaque fois du groupe.

Dans Zombillenium, les rôles sont inversés: les monstres ont un comportement plus normal que les villageois alentours dont la peur s'est transformée en haine tenace. Ce sont eux qui portent une mine véritablement patibulaire. Ils sont prêts à tout pour en découdre avec du fantôme, sans vraiment se rendre compte qu'ils s'attaquent à de l'immortel...
Les salariés sont très bien organisés: le squelette Sirius est le délégué syndical, Francis est leur protecteur, et même si un coach est engagé pour "renforcer la cohésion du groupe, inculquer l'amour de l'entreprise et donner du sens à la vie après la mort", on sent très vite qu'il existe une réelle solidarité entre les monstres, malgré quelques luttes de classes!

Finalement celui que tout le monde craint, c'est Behemot, le grand patron. Il a décidé de faire descendre un de ses bras droits, le vampire Jaggar, afin  de comprendre enfin ce qui manque au parc pour en gagner en popularité. Sauf que ce chargé de ressources humaines est très inquiétant, incroyablement cynique, et ne s'appesantit jamais de sentiments. Une page se tourne à Zombillenium: l'humour est mis au second rang et les salariés commencent à se poser des questions sur leur statut véritable.

On rit beaucoup. Entre José, le zombie de Michaël Jackson, responsable de chorégraphie, et Aton, la momie égyptienne qui veut fuguer, aucun éclat de rire n'est épargné au lecteur. La force de cette BD est de faire évoluer des personnages monstrueux et qui pourtant nous ressemblent beaucoup émotionnellement. 
La mort fait peur, et en surfant sur cette croyance, Arthur de Pins en a fait un thème humoristique aux ressources éternelles.
Les personnages sont récurrents, développent des liens et gagnent en complexité. On ne peut que saluer l'idée géniale d'avoir créer Zombillenium et d'en faire une trilogie pour l'(instant) horriblement drôle et caustique, aux accents de revendications syndicales non dénuées de vérités cinglantes!