jeudi 10 juillet 2014

Absences, Alice Laplante

Ed. 10/18,  collection Domaine policier, mai 2014, 408 pages, 8.4 euros

A la frontière de l'oubli.



Amanda est morte, et la dernière personne à l'avoir vue vivante, semble-t-il, est sa voisine et amie de longue date, Jennifer. Or, interroger Jennifer sur la dispute qu'elles auraient eu un peu avant, ou même sur son emploi du temps, relève de l'impossible. En effet, la suspecte n°1 souffre de la maladie d'Alzheimer depuis quelques années, ce qui lui a valu de prendre sa retraite de chirurgien orthopédiste de façon précoce.
Il y a des jours avec et des jours sans. Certes, un journal de bord rempli par l'entourage de Jennifer permet de retranscrire les bribes de mémoires, les allusions, les souvenirs qui émergent de son cerveau confus. Comprendre l'amitié entre Amanda et Jennifer est un travail de longue haleine, ponctué de digressions, d'oublis, de rancœurs mal digérées. Peu à peu, le lecteur comprend qu'Amanda était "un mystère vivant", une inflexibilité morale à toute épreuve, une seconde mère aussi pour Mark et surtout Fiona, les enfants de Jennifer. Au fil des pages, on sent "une alliance plutôt qu'une amitié. Comme un traité entre deux chefs d'Etat, chacun à la tête de puissantes armées."

A l'enquête sur le meurtre d'Amanda vient s’ajouter les relations familiales de Jennifer. A cause (ou grâce à) de sa maladie, elle devient la confidente d'un jour de ses enfants, de sa dame de compagnie Magdalena, du lieutenant de police. Se confier à elle est d'autant plus facile qu'elle oublie tout et semble incapable de porter un jugement sensé.
Dès lors, le roman devient un exercice de style dans lequel l'esprit de Jennifer est au centre. Des répétitions, des interrogatoires, des fuites de la malade vers les lieux de son passé émergera la vérité  et surtout le mobile du crime.
Absences est l'art et la manière de trouver de la cohérence dans un esprit incohérent. Le récit est un véritable jeu de pistes dans lequel suinte la souffrance des enfants confrontés au quotidien à la maladie de leur mère. Dès lors, l'épilogue est à la mesure du contenu: déroutant et alambiqué.