jeudi 8 mai 2014

La fille sans qualités, Juli Zeh

Ed. Actes Sud Babel, traduit de l'allemand par Jean-Claude Colbus et Brigitte Hébert,

 Jeux dangereux

Le titre est inspiré d'un livre de l'autrichien Robert Musil ,l'Homme sans qualités, que Thomas Mann considérait comme l'un des plus grands romans (inachevé pourtant) du vingtième siècle.

 

Ada, "tout le contraire d'une princesse", et Alev qui présente "l'intelligence et la brutalité d'un fou" sont deux élèves bien particuliers d'un lycée huppé de Bonn. Au delà du fait qu'ils ont le fantasme de "couper les têtes à coup de machette" et admirent ceux qui ont perpétré le massacre du lycée d'Erfurt, ils entretiennent la capacité de ne croire en rien, même pas en eux. Ainsi, la doctrine nihiliste et tout ce qu'elle entraîne a trouvé deux disciples. 
 D'ailleurs, Ada "n'avait rien à faire, sinon jouir de la capacité que la nature lui avait dispensé avec la plus grande libéralité: l'indifférence à l'égard de sa propre existence. C'est là tout le secret." 
Persuadés que la société n'est que "panem et circenses" (du pain et des jeux), ils mettent au point un jeu pervers dans lequel Smutek, leur professeur de littérature sera entraîner au point d'y perdre toutes les valeurs dont il a cru jusque là. 
C'est un roman difficile qui souffre de quelques lourdeurs stylistiques (dues à la traduction?) mais qui reste intéressant de par la théorie qu'il propose: comment la jeunesse peut-elle se construire et s'épanouir normalement dans  une société qui ne sait que proposer des exemples de violence à longueur de journées? 
Le lecteur suit Ada et Alev dans leur logique nihiliste, et petit à petit, on les perçoit comme des psychopathes, incapables du moindre sentiment humain. Ils font peur, et l'intrigue est construite de telle façon que le lecteur se demande jusqu'à la fin comment tout cela va se terminer. Le roman est très bien construit, même si quelques chapitres s'avèrent inutiles, mais la fin laisse un arrière goût d'inachevé, n'ayant pas le même impact que le reste de l'intrigue (vous connaissez le sentiment du ballon de baudruche qui se dégonfle?). 
En tout cas, si vous cherchez une lecture gaie, passez votre chemin....Et si vous cherchez une lecture facile, eh bien, passez votre chemin aussi. 

Du même auteur sur ce site: Décompression