Ed. Alma, août 2012, 135 pages, 14 €

« Il y a de quoi faire. C’est un
joyeux chantier. Un peu comme une vie en kit dont les milliers
d’éléments seraient éparpillés sur le sol et qu’il faudrait prendre le
temps de remonter ».
Cette maison symbolise sa vie
« d’avant ». C’est celle des souvenirs d’enfance joyeux où le père était
encore vivant ; c’est celle aussi qu’on a quittée « après ». Justement,
le jeune homme (on ne saura jamais son nom) veut retrouver les
souvenirs perdus à cause des angoisses engendrées dans son ancienne vie
citadine. Ema l’accompagne, patiente, vers cette renaissance. Ainsi, le
sentier des souvenirs doit devenir un chemin bien balisé : « J’ai dégagé un chemin au cœur des ronces. Un petit sentier qui mène jusqu’aux berges de la rivière ».
Il s’approprie jour après jour la demeure, le paysage : « il faut construire. Il faut planter. Il faut réparer. Je veux bien le croire. J’en ai besoin
». Assez contemplatif, il prend le temps de tout ordonner dans sa tête,
et tente de se souvenir afin de construire un pont entre son enfance et
l’âge adulte. Les ronces et les mauvaises herbes doivent laisser la
place aux fleurs épanouies : « Mon esprit est un jardin désordonné. Une friche remplie de coton, de glace, de ronces et de fraises sauvages ».
Dès lors, il ne faut plus avoir peur de se souvenir de nos drames personnels : « J’apprends à ne plus écouter la chanson lancinante de mes drames. J’apprends à rire plus fort. J’apprends à recommencer ».
Le retour à la nature et à l’essentiel
est vécu comme une forme de thérapie. Le vertige, la peur du lendemain,
s’estompent au profit d’une foi en l’immuable beauté de ce qui nous
entoure :
« On arpente sa vie. On choisit un
chemin. On s’y habitue. On tente de retenir la route. L’itinéraire (…).
Mais on ne connaît rien. Les vrais ignorants ignorent leur ignorance
(…). Et puis un jour on se rend compte que le monde est plus grand que
nos yeux. Et on reste là, perdus. Au bord du vertige ».
On est happé par la précision des mots
choisis par l’auteur. Peu de mots de liaison, pas de fioritures, le
style se veut réduit à l’essentiel, à la source de la compréhension.
Les chapitres sont courts, peu
dialogués, une réplique ici ou là, en adéquation avec le choix de vie du
couple. Cette renaissance implique une acceptation du passé dans la vie
présente, ce qui faisait défaut autrefois, en ville. L’apprentissage de
la vie à la campagne change les perspectives, efface le clivage entre
l’avant et l’après.
Ici ça va est le roman de la
lenteur, « du prendre son temps » après que la vie a nui… Ema, l’épouse,
est la gardienne de ce nouvel équilibre retrouvé, la maison, le symbole
de la reconstruction, et le paysage, l’illustration d’un autre
possible.