Depuis
que Ménile le manœuvre a sauvé le chétif Joseph de la noyade, ces
deux-là sont inséparables. Leur amitié n’a pas besoin de mots ; elle se
fait dans le silence et les regards échangés. Alors quand, en 1943,
Joseph entre en Résistance par devoir, son ami le suit, non seulement
par amitié, mais aussi par choix de connaître autre chose :
« Il n’était pas qu’une bête qui porte, il voulait apprendre des choses, même s’il ne savait pas précisément quoi ».
Pendant les missions, Joseph pense,
prépare, exécute, tandis que Ménile surveille et protège. Joseph est
marié, a un enfant ; Ménile a bien une amie de cœur, mais lorsqu’il veut
faire un cadeau, c’est pour Joseph :
« Cela faisait de l’argent, beaucoup d’argent. Mais sa pensée n’a pas duré. Il était fier, cela seul importait ».
« A la vie, à la mort »,
pourrait-on résumer leur amitié inextinguible, sauf qu’un ennemi très
puissant va s’immiscer, la guerre, avec tout ce qu’elle comporte de
bassesses, de trahisons, de non-dits et de tristesse. Car oui, la
tristesse, « celle qui ne prend qu’un instant », à un moment opportun ravage tout, même les sentiments les plus forts. Et lorsqu’on se ressaisit, il est trop tard.
Les chapitres sont courts, les phrases
également, parfois même en suspension. L’auteur a fait l’économie de
mots inutiles, de verbes fleuris, de descriptions. Le style épuré et
sobre suffit à rendre compte de l’importance de ce qui se joue entre ces
deux hommes. Ainsi, le récit monte en puissance et interpelle le
lecteur.
Dans la Bible, Joseph, le fils de
Rachel, incarne l’homme qui a pardonné. Mais, le pardon est-il possible
lorsque la vie de son ami est en jeu ? L’auteur utilise des symboles
simples tel un bracelet rompu, un silence gênant, un train qui passe,
l’étreinte d’un enfant sur une place pour exprimer l’indicible et la
fêlure… En seulement 96 pages, on sort de cette lecture secoué, harassé,
vivement interpellé, et séduit par la beauté du style.
Pendant les combats a la puissance de la tragédie et la beauté de l’amitié éternelle.