jeudi 10 octobre 2013

Pendant les combats, Sébastien Ménestrier

Ed. Gallimard, janvier 2013, 96 pages, 9,50 €

Depuis que Ménile le manœuvre a sauvé le chétif Joseph de la noyade, ces deux-là sont inséparables. Leur amitié n’a pas besoin de mots ; elle se fait dans le silence et les regards échangés. Alors quand, en 1943, Joseph entre en Résistance par devoir, son ami le suit, non seulement par amitié, mais aussi par choix de connaître autre chose :
« Il n’était pas qu’une bête qui porte, il voulait apprendre des choses, même s’il ne savait pas précisément quoi ».
Pendant les missions, Joseph pense, prépare, exécute, tandis que Ménile surveille et protège. Joseph est marié, a un enfant ; Ménile a bien une amie de cœur, mais lorsqu’il veut faire un cadeau, c’est pour Joseph :
« Cela faisait de l’argent, beaucoup d’argent. Mais sa pensée n’a pas duré. Il était fier, cela seul importait ».
« A la vie, à la mort », pourrait-on résumer leur amitié inextinguible, sauf qu’un ennemi très puissant va s’immiscer, la guerre, avec tout ce qu’elle comporte de bassesses, de trahisons, de non-dits et de tristesse. Car oui, la tristesse, « celle qui ne prend qu’un instant », à un moment opportun ravage tout, même les sentiments les plus forts. Et lorsqu’on se ressaisit, il est trop tard.
Les chapitres sont courts, les phrases également, parfois même en suspension. L’auteur a fait l’économie de mots inutiles, de verbes fleuris, de descriptions. Le style épuré et sobre suffit à rendre compte de l’importance de ce qui se joue entre ces deux hommes. Ainsi, le récit monte en puissance et interpelle le lecteur.
Dans la Bible, Joseph, le fils de Rachel, incarne l’homme qui a pardonné. Mais, le pardon est-il possible lorsque la vie de son ami est en jeu ? L’auteur utilise des symboles simples tel un bracelet rompu, un silence gênant, un train qui passe, l’étreinte d’un enfant sur une place pour exprimer l’indicible et la fêlure… En seulement 96 pages, on sort de cette lecture secoué, harassé, vivement interpellé, et séduit par la beauté du style.
Pendant les combats a la puissance de la tragédie et la beauté de l’amitié éternelle.