mercredi 9 octobre 2013

L'éternité n'est pas si longue, Fanny Chiarello

  Ed Points Seuil, février, 2013, 304 pages, 7.2 euros

J'ai cru

"Le jour où la variole a frappé, je savais que l'Humanité serait trop orgueilleuse pour y survivre".
Nora trimballe avec elle son "vertige existentiel chronique" et la certitude que , quoi qu'on fasse, nous sommes de misérables mortels. Avec le temps, elle est moins esclave de ses émotions, vit ses amours (surtout avec Pauline) comme "des jours suprêmes", mais ses repères du quotidien, elle les doit à ses trois amis : Miriam, Judith et son cousin Raymond.
Lorsque la variole refait son apparition d'abord de façon isolée, puis en véritable pandémie internationale, Nora pense qu'il n'existe que "des stratégies d'évitement". Ainsi, elle se dégage de toutes ses obligations professionnelles, pense à s'isoler, puis décide de recoller au monde qui l'entoure :
"Je ne dois plus m'isoler, du moins pas tout le temps: si je veux demeurer au cœur du monde, il faut que je demeure aussi parmi mes semblables puisque ce sont eux qui ont dessiné le monde tel que je le connais, tel que j'ai appris à l'aimer."
Les mois passent et les amis décident de vivre ensemble dans une belle maison bourgeoise, eux "les ratures sur le brouillon social".
Au fur et à mesure que l'épidémie se propage, Nora s'enfonce dans un pessimisme et un cynisme redoutables au point d'agacer ses colocataires qui, eux, continuent de travailler afin de lutter contre l'inévitable. "En ce qui me concerne, la mort ne m'a jamais aussi peu effrayée que depuis qu'elle a pris un visage, annoncé son nom et ses méthodes", pense Nora, mais cet excès de lucidité sur ce monde à l'agonie ne l'empêche-t-il pas de savourer les derniers moments ?

Fanny Chiarello propose une réflexion originale sur le sens de la vie, de l'amitié et de la famille quand on sait que nos jours sont comptés à cause d'une maladie endémique. Avec le "je" introspectif, Nora raconte son histoire, ses états d'âme et se libère dans l'écriture de petits carnets : "l'infini des possibles rue au seuil de mon carnet". Je ne suis jamais nostalgique de rien" affirme-t-elle, c'est pourquoi il convient de vivre l'instant présent comme s'il était le dernier, et faire comme si la variole était un concept et nom une réalité.
Un très bon roman aux accents d'éternité.
Et si le sens de la vie c'était retrouver le silence?