Ed. Albin Michel, août 2012, 208 pages, 17 euros
Yaël est effondrée. Yann, son compagnon
et père de leur garçon de trois ans la quitte pour une autre femme. Le
choc est d’autant plus douloureux qu’elle n’a rien vu venir. Alors, pour
faire barrière à la dépression qui la guette, elle choisit la colère,
« comme ultime rempart du désespoir », faisant fi des préceptes de
Montaigne et Sénèque qui considéraient ce sentiment comme stérile :
« rien de ferme et de stable ne soutient son audace, qui n’est que vent
et fumée ».
Économiste et universitaire de
formation, Yaël a pourtant toujours trouvé dans les mots et la
littérature une certaine forme de consolation. Écrire un journal,
semblable à « un vieux bureau profond, ou à un vaste fourre tout dans
lequel on peut jeter un tas de choses sans les examiner » devient un
exutoire à l’effondrement de sa vie amoureuse. Ainsi, saison après
saison, Yaël retranscrit succinctement, sans épanchement, les
contours de sa nouvelle vie, balisée par la garde alternée du petit
Simon, la présence des amis fidèles et la connaissance d’autres. Petit à
petit, Yaël se reconstruit, apprécie cette liberté rendue de force, se
dit que, finalement, on peut refaire sa vie après quarante ans.
« La vie n’est-elle pas mieux
qu’une succession d’équilibres précaires ? » s’étonne-t-elle en écoutant
ses amies lui raconter leurs astuces pour une vie de couple qui dure.
« C’est quoi pour toi la quarantaine ? » se plaît-elle à interroger son
entourage. Toutes ont vécu différemment cet « ébranlement intime », mais
chacune s’accorde à penser que c’est « l’acceptation de [son] vide
intérieur » :
« je sais désormais que rien d’extérieur ne viendra le
combler : ni la famille, ni la passion amoureuse. Alors je ne cherche
plus que la justesse de l’instant ».
Ainsi, accepter cette dizaine,
c’est accepter une certaine forme de renoncement à une vie rêvée
autrefois et jamais venue, c’est faire un bilan « à mi-parcours ».
Pourtant, Yaël comprend aussi que sa
guérison ne sera complète qu’avec la réalisation d’un vieux projet,
toujours reporté mais jamais oublié : écrire. « Écrire donc, pour
respirer avec la phrase, écrire parce que c’est le lieu d’où je
respire ». La relecture des cours de Roland Barthes au Collège de France
la conforte dans ce dessein. En effet, ce dernier commentait l’aporie
typiquement amoureuse : « comment aimer un peu ? Comment ne pas aimer
trop ? Comment aimer sans rompre (parce que l’excès rend l’amour
insupportable ?) ».
Ce roman raconte le passage d’une
« navigation à vue » vers une vie libre, assumée, et responsable. De
l’effondrement vient le temps de la reconstruction et des nouveaux choix
de vie. L’auteur a choisi le journal intime justement pour mieux
appréhender l’intimité de son personnage. Sans fioriture, sans apparat,
Yaël raconte, se confie, et le lecteur se rend compte que, peu à peu,
elle tourne le dos à la colère, à la rancœur, et reprend sa vie en main.
L’ensemble est très bien écrit, rempli de « fulgurances littéraires »
sur la quarantaine dans lesquelles tout lecteur y trouvera son bonheur.