vendredi 11 octobre 2013

6000 nuits, André Borbé


Ed. Naïve, collection Naïveland, Avril 2012, 252 p. 18 €

Ray Bradbury écrit dans Fahrenheit 451 : « il n’y a pas besoin de brûler des livres pour détruire une culture. Juste de faire en sorte que les gens arrête de les lire ». Et c’est ce qui se passe à Boucainvillier, ville imaginaire autrefois dirigée par une famille royale aimée de tous, mais maintenant sous la coupe d’un mystérieux Commandeur, homme au masque de cuir, dont la première décision dès sa prise de pouvoir fut d’interdire l’écriture et la diffusion des livres.
En effet, lire est trop dangereux car cela pourrait insuffler l’espoir à un peuple désormais habitué à subir… Pourtant, Esther, insomniaque de naissance, fait partie des Bienveillants, groupe autrefois respecté, chargé d’écrire des histoires et entretenir le goût de la lecture : ils « écrivaient toute cette littérature nécessaire au bonheur des gens ».
Traqués par la milice, contraints de vivre cachés, ils continuent cependant de désobéir à la loi tyrannique, persuadés « que la puissance de leurs mots donnerait un jour au peuple la force de se dresser contre le Commandeur ».
Or, Esther, au delà de son futur rôle de Bienveillante, semble être plus importante que cela puisque le tyran lui-même la recherche. Ses nouveaux amis lui expliquent qu’à sa six millième nuit d’insomnie, elle devra goûter le « gâteau d’âme » qui lui donnera l’inspiration nécessaire pour écrire et « insuffler à travers ses récits une vision optimiste du monde dans le but de faire progresser les hommes vers plus d’Humanité ». Tout un programme !
En effet, des lecteurs, il en reste, et les Livreurs, petits orphelins bien dégourdis, se chargent de véhiculer les romans sous le manteau ; ainsi, une Résistance se forme et s’apprête à lutter contre le Commandeur et son armée… Mais pourquoi une telle haine envers l’objet livre ? Qui se cache vraiment sous ce masque de cuir ?
De ce fait, le récit nous offre deux histoires : celle d’Esther, et celle, plus lointaine, du Commandeur. Forcément, le lecteur se doute bien que ces deux personnages possèdent des points communs, mais le secret reste bien gardé jusqu’au dernier quart du roman.
Situer l’histoire dans une ville imaginaire est tout à fait divertissant et autorise l’auteur à une imagination débordante. Ainsi, l’action évolue dans un monde qui s’inspire à la fois du Moyen Age et du monde moderne (l’accès au palais royal se fait en téléphérique !).
Le seul bémol de ce livre vient du traitement des dialogues. Ils sont souvent d’une naïveté surprenante, ce qui pâtit à la qualité de la prose proposée. Les personnages parlent trop, et souvent inutilement, ce qui ajoute de la lourdeur à l’ensemble qui somme toute est de bonne facture.
Finalement 6000 nuits est une belle découverte jeunesse, proposant une intrigue originale qui satisfera petits et grands à partir de 12 ans.