Ed. Naïve, collection Naïveland, Avril 2012, 252 p. 18 €
Ray Bradbury écrit dans Fahrenheit 451 :
« il n’y a pas besoin de brûler des livres pour détruire une culture.
Juste de faire en sorte que les gens arrête de les lire ». Et c’est ce
qui se passe à Boucainvillier, ville imaginaire autrefois dirigée par
une famille royale aimée de tous, mais maintenant sous la coupe d’un
mystérieux Commandeur, homme au masque de cuir, dont la première
décision dès sa prise de pouvoir fut d’interdire l’écriture et la
diffusion des livres.
En effet, lire est trop dangereux car
cela pourrait insuffler l’espoir à un peuple désormais habitué à subir…
Pourtant, Esther, insomniaque de naissance, fait partie des
Bienveillants, groupe autrefois respecté, chargé d’écrire des histoires
et entretenir le goût de la lecture : ils « écrivaient toute cette
littérature nécessaire au bonheur des gens ».
Traqués par la milice, contraints de
vivre cachés, ils continuent cependant de désobéir à la loi tyrannique,
persuadés « que la puissance de leurs mots donnerait un jour au peuple
la force de se dresser contre le Commandeur ».
Or, Esther, au delà de son futur
rôle de Bienveillante, semble être plus importante que cela puisque le
tyran lui-même la recherche. Ses nouveaux amis lui expliquent qu’à sa
six millième nuit d’insomnie, elle devra goûter le « gâteau d’âme » qui
lui donnera l’inspiration nécessaire pour écrire et « insuffler à
travers ses récits une vision optimiste du monde dans le but de faire
progresser les hommes vers plus d’Humanité ». Tout un programme !
En effet, des lecteurs, il en reste, et
les Livreurs, petits orphelins bien dégourdis, se chargent de véhiculer
les romans sous le manteau ; ainsi, une Résistance se forme et s’apprête
à lutter contre le Commandeur et son armée… Mais pourquoi une telle
haine envers l’objet livre ? Qui se cache vraiment sous ce masque de
cuir ?
De ce fait, le récit nous offre deux
histoires : celle d’Esther, et celle, plus lointaine, du Commandeur.
Forcément, le lecteur se doute bien que ces deux personnages possèdent
des points communs, mais le secret reste bien gardé jusqu’au dernier
quart du roman.
Situer l’histoire dans une ville
imaginaire est tout à fait divertissant et autorise l’auteur à une
imagination débordante. Ainsi, l’action évolue dans un monde qui
s’inspire à la fois du Moyen Age et du monde moderne (l’accès au palais
royal se fait en téléphérique !).
Le seul bémol de ce livre vient du
traitement des dialogues. Ils sont souvent d’une naïveté surprenante, ce
qui pâtit à la qualité de la prose proposée. Les personnages parlent
trop, et souvent inutilement, ce qui ajoute de la lourdeur à l’ensemble
qui somme toute est de bonne facture.
Finalement 6000 nuits est une belle découverte jeunesse, proposant une intrigue originale qui satisfera petits et grands à partir de 12 ans.