mercredi 30 mars 2016

RUE DES ALBUMS (116) Sin le veilleur, Françoise de Guibert et Audrey Calleja

Ed. Seuil Jeunesse, mars 2016, 40 pages, 13.5 euros.

Ô une tache !


Mais qui est cette silhouette longiligne, éprise de liberté, qui, la nuit tombée, visite les chambres des enfants ?
Sin le Veilleur revient de loin. Coincé depuis longtemps entre deux pages d'un cahier jauni d'écolier remisé au grenier, il a enfin réussi à s'échapper de son cahier. Il ne connaît rien du monde. Pour lui, tout est nouveauté. Né sur du papier, "tache dans un cahier", il rêve désormais d'aventures :
"La brise lui fait tourner la tête, les parfums et les bruits l'enivrent".

Très vite, il se sent attiré par les enfants endormis. A quoi rêvent ces petites bouilles ? Mais, à vouloir s'approcher trop près, Sin a réussi à leur faire peur. Il n'a pas de mots pour apaiser. Alors, il accepte son nouveau statut :
"Sin se sent puissant. Il n'est plus une tache sans importance. Il est sorti de son cahier, il a effrayé les humains".
Même si la méthode laisse quelque peu à désirer, Sin a le sentiment d'exister. Il prend de l'épaisseur et, nuit après nuit, "le quartier résonne de cris effarés". Or, tous les jeux ont une fin, et Sin finit par se lasser. Sa rencontre avec Alice va le bouleverser. Elle se contente de le regarder en silence :
"Dans les yeux noirs d'Alice, Sin s'égare. Il est soudain triste, comme loin de chez lui. Alors, il s'enfuit (...) Il se sent vide, seul et démuni".
Il est temps pour Sin d'aller chercher des mots dans son vieux cahier pour pouvoir communiquer avec la petite fille...

Sin n'est pas méchant, il ne fait pas partie des cauchemars des enfants, et cet album tend bien à le démontrer. Les illustrations sont aussi élégantes que le texte. Les phrases sont simples, rythmées, aux sons identiques réitérés. Sin le veilleur est une histoire initiatique : la naissance d'un être qui, une fois la parole acquise, grandit.
Les dessins sont remplis de points, de traits, de superpositions, et font la part belle à l'imagination.

Avec sa couverture cartonnée et son grand format, cet album est un bijou du genre. On aime l'histoire très originale, et on adore les illsutrations aux détails si soignés.

A partir de 4 ans.