Dans la maison noire, lugubre, insalubre avec le temps, un petit garçon est retrouvé pendu. Cette tragédie est le point de départ d'un roman étrange dont le héros malgré lui, Wakatsuki, employé modèle d'une grosse société d'assurance, va être au centre d'une histoire cauchemardesque.
C'est Wakatsuki qui découvre le corps de l'enfant alors qu'il devait s'entretenir avec ses parents, à la demande de ces derniers. Cette découverte lui rappelle de mauvais souvenirs qui le hantent souvent dans son sommeil, la disparition de son grand frère quelques années en arrière, en proie à du harcèlement systématique à l'école.
"Wakatsuki connaissait la véritable nature du sentiment de culpabilité. Car il avait laissé mourir son grand frère, son seul frère, sans bouger le petit doigt".
Au-delà de cette expérience intime, c'est la réaction du père, Komoda, qui le perturbe ou plutôt son manque de réaction puis les jours suivants ses requêtes incessantes pour récupérer la prime d'assurance.
"Il ne regardait pas le corps. Je suis désolé de le dire ainsi mais... J'ai vraiment eu l'impression qu'il était plus intéressé par ma réaction que par l'enfant".
Les assurances sont un pilier de l'économie nippone. Les japonais dépensent de grosses sommes chaque mois pour des primes diverses et variées dont ils ne sont plus très sûres qu'ils bénéficieront un jour. De fait, les fausses déclarations pour recevoir un dédommagement se multiplient et les employés des cabinets d'assurances sont formés et aguerris pour traquer les fraudeurs. Wakatsuki en fait partie et cette affaire dont il a été témoin devient personnelle quand il se rend compte que la police préfère la classer plutôt que d'enquêter sur les parents de l'enfant. Komoda se présente chaque jour au bureau pour réclamer son dû, s'assoit "sans bouger un cil", tandis que Madame, indifférente à tout, semble avoir tourné la page bien top vite. Une véritable veuve noire...
Plus l'enquête progresse plus la réalité de ce qui est découvert est profondément dérangeante. L'auteur entre dans les méandres déviantes de la psyché humaine et entraîne le lecteur avec lui. Wakatsuki a de plus en plus de mal à supporter ce qu'il découvre ; ses nuits sont remplies de terreur.
" Depuis qu'il avait vu le cadavre de Kazuya, des cauchemars revenaient le hanter chaque nuit. Toujours exactement les mêmes, comme s'ils avaient été moulés à la chaîne".
Je n'avais pas réussi à lire jusqu'au bout La Leçon du mal, le précédent roman de Yûsuke Kishi. Cette fois-ci, La Maison Noire a retenu mon attention jusqu'à la fin car non seulement je n'arrivais pas à deviner la situation finale de l'intrigue pendant ma lecture mais en plus le personnage torturé de Wakatsuki m'intéressait beaucoup. ce sont eux qui tiennent de bout en bout la trame narrative. Pour cela, l'auteur n'a pas lésiné à en faire des êtres complexes souvent torturés, en proie à leur vécu.
En arrière plan, c'est une critique sociétale acide de la société nippone dans laquelle l'auteur n'hésite pas à pointer du doigt ses dysfonctionnements.