mercredi 6 décembre 2023

Après le Kollaps




Joseph Horkaï se réveille tout doucement de son "stockage", son hibernation en fait, car une communauté qui le garde précieusement depuis des années a besoin de ses compétences.

Pourtant, dans son cerveau brumeux, Horkai se considère comme normal. Certes il a survécu à l'impensable, le Kollaps (il se rappelle du nom), mais il doute fort qu'il puisse aider quiconque car il a perdu l'usage de ses jambes. Ramper comme un serpent est son unique moyen de locomotion s'il n'est pas porté.

"Il y avait un nom pour ça, pour l'explosion, pour cette chose dont l'explosion faisait partie, dont il pouvait se souvenir : le Kollaps".

Néanmoins, le guide de la Ruche, Rasmus, croit en lui car il est immunisé du monde extérieur. Les poisons de l'air ambiant n'ont aucun effet sur lui, alors il peut rendre visite à une autre communauté afin de leur subtiliser leur trésor contenu dans une pipette...

"Un terrain désert d'un côté, des ruines de l'autre, puis des ruines de chaque côté. Tout commençait à se ressembler".

Donc les voilà partis, Horkaï et ses deux porteurs en combinaison de survie. Ils traversent des paysages dévastés, vides de toute vie humaine, animale et végétale. Notre héros malgré lui dépend de deux colosses entrainés à la seule fin d'arriver à destination car Joseph n'est-il pas le messie de l'ordre uni, "la masse, tel un seul homme. Ni plus, ni moins"?

Sur le dos ou sur les épaules de ses mules de fortune, Horkaï a le temps de réfléchir et remet peu à peu en question le discours de Rasmus. Le Kollaps est bien la conséquence de quelque chose de grave dont il ne souvient plus et le fait qu'il soit immunisé de la mort fait de lui un être à part, plus vraiment un homme et pas encore un dieu, même si, arrivé dans l'autre communauté, il se rend compte qu'elle est occupée par ses semblables... Quelle bonne décision faut-il prendre ?

Jonatham Lethem qualifie Brian Evenson comme un trésor de la littérature américaine. Pour ma part je ne connaissais pas cet auteur et je suis agréablement surprise de l'univers littéraire qu'il propose. Immoblité part du principe que l'être humain est le fléau qu'il faut combattre car il est incapable de tirer leçon de ses erreurs passées. Le changement n'est pas inscrit dans ses gènes. 

"Nous sommes une malédiction, un fléau" pense gravement Rykte qui vit en ermite dans une maison au milieu des décombres. L'auteur propose une réflexion intéressante sur fond de dystopie post-apocalyptique sans précédent. Horkaï incarne une forme de transition entre l'avant et l'après, la possibilité d'un être humain modifié, adapté à son nouvel environnement.

Néanmoins, Immobilté ne donne pas de réponses. La fin reste ouverte et interroge non seulement sur la question du temps mais aussi sur l'avenir. Serait-il trop tard finalement ?


Ed. Rivages, collection Imaginaire, janvier 2023, traduit de l'anglais (USA) par Jonathan Baillehache, 272 pages, 22€

Titre original : Immobilty