La famille Greenspan est un modèle de réussite à l'américaine, la vitrine du bonheur familial. Scott est cardiologue. Son cabinet médical participe à une campagne de recherche médicale qui permet de lui procurer des revenus confortables. Ainsi son épouse Deb n'a pas besoin de travailler et a pu se consacrer à l'éducation de leurs deux enfants Maya et Gidéon ainsi qu'à l'association qu'elle dirige pour aider les nécessiteux. Le seul hic peut être à ce vernis, vu de l'extérieur, c'est la mère de Scott, Marjorie, toujours en train de faire de sa vie un roman au point qu'"il lui était devenu impossible de distinguer la réalité de la fiction".
Sauf que Marjorie n'est que la partie émergée de l'iceberg. Si on gratte le vernis de la perfection apparente, on trouve finalement une famille dysfonctionnelle. Deb s'ennuie tellement qu'elle a demandé à son mari d'avoir un mariage ouvert, et depuis elle s'est sauvée avec une femme.
"La vie de Deb reposait sur un lit de bêtises et d'hypocrisie crasse. Elle était une épouse qui trompait son mari, une mère de banlieue qui se croyait supérieure aux autres mères de banlieue, une danseuse qui ne dansait plus. Elle collectait des fonds pour les nécessiteux depuis le confort de sa maison".
Scott, pour payer la maison de retraite de luxe de sa mère, a escroqué la clinique avec laquelle il travaillait et s'est vu interdire d'exercer. Quant aux enfants, ne voulant surtout pas ressembler à leurs parents, ils décident de prendre leur vie en main en prenant parfois des chemins chaotiques. Maya ne veut surtout pas suivre le chemin de Deb et Gidéon renonce à être médecin comme son père.
Comme l'avait dit un ex petit ami de Maya, les Greenspan sont l'incarnation du "capitalisme à la Starbuck" en se donnant le change de l'empathie et de la générosité.
Hope, contrairement au titre, est l'histoire d'espoirs déçus. On a beau désirer être parfait, on traîne des casseroles qui auront des conséquences sur l'avenir. Avec le temps l'espoir s'envole et on prend des chemins de vie différents et inédits dont les personnages ne maîtrisent pas les codes.
Et pourtant, malgré tout cela, Hope est un roman brillant car Andrew Ridker a fait le choix de dialogues acérés, souvent drôles, et de situations à la limite du burlesque pour pointer du doigt les névroses de la famille Greenspan. Le personnage de la grand-mère incarne à lui seul le dysfonctionnement originel, "une femme très seule qui n'avait su aimer. Ce n'était pas sa mère qui parlait. C'était la solitude qui parlait à travers elle". Marjorie est capable de faire n'importe quoi pour attirer l'attention sur elle, au risque de ruiner les siens...
On tourne les pages avec délectation. J'avais déjà été enthousiasmée par le premier roman d'Andrew Ridker Les Altruistes (Rivages, août 2019, traduction Olivier Deparis) petit bijou de satire d'une famille aussi dysfonctionnelle. Hope confirme le talent de l'auteur.
A découvrir sans tarder !
Ed. de L'Olivier, octobre 2023, traduit de l'anglais (USA) par Laetitia Devaux, 432 pages, 24€
Titre original éponyme